maintenant de plus près. Que le principe qui l’agite se manifeste avec plus ou moins de sympathie pour la France, peu importe ; au fond, il est français, c’est-à-dire qu’il procède directement des idées nouvelles dont la France est en ce moment la plus haute expression. Il n’est donc pas étonnant que la littérature espagnole contemporaine suive la nôtre, et non-seulement ce n’est pas étonnant, mais ce n’est pas regrettable. Elle n’a pas d’autre moyen de se renouveler. Maintenant qu’en nous imitant, elle cherche en même temps à être elle-même, rien de mieux. C’est ce que nous avons fait de notre côté, c’est ce qu’elle fera sans aucun doute, si elle persévère. L’imitation n’est qu’un moyen de provoquer l’esprit national à quitter sa vieille routine et à inventer de nouveaux procédés. En imitant l’Italie de son temps, l’Espagne de Lope et de Calderon a fait certes quelque chose de très nouveau. En imitant à leur tour les écrivains espagnols, les classiques français du siècle de Louis XIV ont fait aussi quelque chose de très particulier. Voyez ce qui se passe en politique : de même qu’en essayant de copier le système politique de l’Angleterre, la France du XIXe siècle a créé un gouvernement qui diffère beaucoup en réalité du gouvernement anglais, et que l’Angleterre essaie à son tour d’imiter, de même l’Espagne, en travaillant à s’assimiler les institutions françaises, est déjà arrivée et arrivera probablement de plus en plus, à en fonder qui lui sont propres. L’unité des principes et des vues n’entraîne pas nécessairement l’identité absolue des formes ; au contraire : tels moyens qui sont bons ici pour atteindre le but commun seraient là-bas détestables, et réciproquement. Ainsi de la littérature ; pourvu que le caractère général soit semblable, les détails peuvent varier à l’infini. Le tout est de trouver le terme moyen qui concilie le caractère national avec le principe de la généralité.
Les Espagnols ont-ils trouvé cette combinaison neuve ? Pas tout-à-fait encore, mais ils la cherchent : c’est déjà beaucoup. De pareilles bonnes fortunes ne se rencontrent pas au premier essai. Il y a quelques années, l’imitation était complète, exclusive ; à mesure que l’Espagne s’est approprié le génie nouveau, elle a tenté de lui donner sa couleur. Des partis littéraires se sont formés en même temps que des partis politiques. La grande querelle du classique et du romantique s’est agitée avec chaleur comme chez nous et cette querelle, qui paraissait absolument la même qu’en France, était au fond très différente, parce qu’on attachait aux mêmes mots des sens différens. Le duc de Rivas, entre autres, s’est mis à la tête d’une école qui avait pour but de donner des formes essentiellement natio-