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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/206

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français, de peindre le cœur humain dans ses passions ou dans ses faiblesses, il n’y a pas de place pour de semblables écarts : tout doit être simple, calculé pour l’effet général, tout doit marcher au but : mais quand le poète n’a d’autre objet que le divertissement, quand il cherche avant tout l’imprévu, quand il veut uniquement frapper, amuser et séduire, tout ce qui a de l’éclat et de l’entraînement est bien reçu. Il en est de ces élans de verve comme des brillantes cavatines que la musique italienne aime à prodiguer, et qui ne sont, elles aussi, que des ornemens superflus dans le tissu du drame, mais des ornemens plus chéris, plus recherchés que le fond même qu’ils recouvrent. Après tous les emprunts qu’on a faits depuis quelque temps en France aux théâtres étrangers, il est étonnant que cet usage de donner aux monologues une forme lyrique n’ait pas encore été imité chez nous. Cette forme conviendrait cependant beaucoup à M. Victor Hugo, par exemple, grand ami du monologue, comme on sait, et grand poète lyrique en même temps. Les stances du Cid et de Polyeucte auraient dû, ce semble, encourager un poète français à donner de nouveau cet exemple.

Mais revenons à Chacun son droit. Sans entrer dans le détail des deux derniers actes ou journées, car la pièce en a trois seulement, comme autrefois, qu’il nous suffise de dire que tout finit par s’expliquer parfaitement et par amener un dénouement heureux. L’homme resté inconnu à la fin du premier acte, et qui était arrivé si mal à propos dans le jardin, n’est autre que le marquis de Velez, père d’Elvire, récemment échappé d’une prison d’état ; c’est pour obtenir la grace de son père, qu’Elvire souffre les galanteries compromettantes de Philippe IV, et elle finit en effet par enlever cette grace dans une scène un peu scabreuse, mais très bien faite. Au moment où don Pèdre, poussé à bout par la jalousie, provoque de nouveau le roi et se bat avec lui, il apprend qu’il est le fils de celui dont il menace la vie. Le roi le fait duc d’Olmedo, lui donne la toison d’or, et le marie avec Elvire. Règle générale et sans exception, les aventuriers des pièces espagnoles sont toujours fils de rois ou de princes, et deviennent infailliblement ducs au dénouement.

La seconde pièce de Zorrilla est du même genre que la première ; elle est intitulée Loyauté d’une femme, ou Aventures d’une Nuit (Lealtad de una muger, y Aventuras de una Noche). Elle a paru pour la première fois en 1840, c’est-à-dire un an après Chacun son droit. La scène de cette nouvelle comédie se passe dans un village près de Barcelone, la nuit du 12 mai 1461. Le sujet est emprunté au poème