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couleurs tranchantes, noué sur le devant de la tête et posé obliquement. La mantille espagnole est tout-à-fait inconnue. Quelques femmes résistent au chapeau et s’en tiennent au voile posé immédiatement sur les cheveux, qui encadre fort agréablement la figure ; mais le chapeau est adopté par le grand nombre. À défaut de costume national, la Montevidéenne se révèle, au milieu des Françaises, des Anglaises, des Allemandes, qui se coudoient sur les trottoirs, par une démarche dansante et par un balancement voluptueux des hanches qui n’est pas assez prononcé pour choquer. Dans la danse, et surtout dans la contredanse espagnole et dans la valse, cette légère particularité des mœurs locales ressort davantage. Le mouvement des bras est plus arrondi, le haut du corps est plus rejeté en arrière, tout l’ensemble est plus à l’effet, plus en scène que dans ces froides marches et contremarches qu’on appelle maintenant la contredanse française.

On ne sera pas étonné de ces graves observations sur la manière de danser des Montevidéennes, quand on saura que la danse est fort en faveur sur les deux rives de la Plata. La moindre réunion se transforme très vite en soirée dansante, au moyen d’un piano dont toutes les maisons sont pourvues. Bon gré, mal gré, il faut danser, et on ne tarde pas à y prendre assez de goût pour donner le branle au besoin. De converti on devient prosélyte. Un bal, toutes les fois qu’il n’est pas improvisé entre jeunes gens, doit commencer par un menuet sérieux, que dansent fort cérémonieusement, à deux ou à quatre, les plus distingués de la réunion. Au menuet sérieux ou liso, nous préférons le menuet appelé montonero sur les deux rives de la Plata, et consacré maintenant à Buenos-Ayres sous le nom de menuet fédéral. C’est une danse de la campagne, aux mouvemens vifs et passionnés, entremêlée de walse, et dans laquelle, à défaut de castagnettes, les danseurs s’accompagnent par un claquement de doigts. Le menuet montonero prête beaucoup au développement des graces physiques de ceux qui le dansent. Aussi dégénère-t-il quelquefois, à certains momens, et même dans la meilleure compagnie, en hardiesses d’expression sur lesquelles il faut fermer les yeux.

Nous n’avons rien à dire sur le costume des hommes. La redingote, l’éternel habit noir, à basques plus ou moins larges, et le chapeau de soie, font le tour du monde. Il n’y a pas jusqu’au manteau espagnol, qui commence à perdre du terrain, et céder la place au disgracieux, mais commode paletot.

Il résulte de tout ceci que Montevideo n’a point de physionomie