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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/242

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cher leur revenu. Ce serait donc un malheur pour l’agriculture que la suppression de la culture du tabac, quoi qu’en disent des cultivateurs distingués. Nous savons que c’est une culture qui par elle-même épuise le sol, nous savons que la seule culture qui soit réellement digne d’encouragement est celle qui rend au sol en engrais ce qu’elle lui a pris par la végétation ; mais nous concluons seulement de là qu’il ne faut pas cultiver exclusivement du tabac, et nous soutenons que cette culture doit être encouragée dans un assolement quinquennal, car de cette manière, sans appauvrir le sol, elle apporte au cultivateur cet argent que le fisc et le propriétaire impitoyables lui demandent sans cesse. Et où iraient ces 5 ou 6 millions que l’agriculture de six départemens reçoit de l’état ? Sur les marchés étrangers. Mais sur ces marchés, par suite de la prohibition de la culture en France, un renchérissement général se ferait sentir, et 25 millions ne suffiraient pas sans doute à racheter cet approvisionnement de 9 millions de  kilog. que ne fournirait plus le marché français. Serait-il d’une bonne administration de rendre ainsi la France tributaire de l’étranger et de la priver tout-à-fait d’une consommation maintenant générale, dans le cas d’une guerre maritime ? Que la culture du tabac continue d’être restreinte, qu’elle ne soit permise qu’aux départemens qui livrent à la régie des tabacs convenant à sa fabrication et d’un prix modique, c’est garantir au trésor un revenu nécessaire, c’est empêcher la fraude, conséquence inévitable d’une culture générale, c’est empêcher l’encombrement qu’entraînerait, faute de débouché, une surabondance sans rapport avec les besoins dans les produits indigènes. Sans cette restriction de la culture, il serait impossible d’empêcher la fraude, ou le service de surveillance qu’il faudrait organiser absorberait une immense partie du bénéfice de la régie.

Le service actuel de la culture est chargé d’assurer l’exécution des règlemens qui sont arrêtés chaque année par les préfets en conseil de préfecture. Les agens de ce service sont ainsi appelés à vérifier si les semis, puis les plantations remplissent les conditions voulues par les permis, à rechercher les plantations non autorisées et à assurer leur destruction, à surveiller l’écimage, à compter les pieds, puis les feuilles de chaque pied, à constater les dégâts éprouvés par les plantations pour que les cultivateurs puissent être déchargés de leurs obligations, à faire détruire après la récolte les tiges et les racines, à surveiller constamment les abus auxquels donne lieu le dépôt du tabac entre les mains des planteurs jusqu’au moment où il est remis, dans les magasins de l’état, ou parti pour l’étranger, s’il doit être exporté. Enfin ils assistent à la réception des tabacs par les experts commis à cet effet. Ce service est dirigé, dans chaque département, par un inspecteur chargé en même temps de la surveillance des magasins des feuilles ; 185 agens suffisent d’ailleurs à tous les soins qu’il exige, sauf au moment des inventaires. On prend alors des employés auxiliaires pour exécuter les travaux extraordinaires qui se présentent. La totalité des frais que ce service exige ne s’élève pas à plus de 361,000 fr., ce qui fait 4 fr. 20 cent. par quintal de tabac indigène livré