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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/249

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DU MONOPOLE DE L’INDUSTRIE DES TABACS.

quelques détails de fabrication ? Dirons-nous comment se fabriquent telles ou telles espèces de tabacs ? Quelques mots suffiront pour faire comprendre ce travail. Les matières manufacturées peuvent se diviser en deux grandes classes, tabacs à priser, tabacs à fumer. C’est surtout dans la fabrication des premiers que la régie excelle. Les feuilles de tabac destinées à cette fabrication, après qu’on les a triées, puis mouillées avec une dissolution de sel marin pour empêcher la putréfaction, sont dépouillées d’une partie de leurs côtes, puis hachées, et mises en de grandes masses où elles restent plusieurs mois à fermenter. Cette fermentation ne réussit bien que quand la masse de tabac est considérable et s’élève de 40 à 50,000 kilog. environ. La température de la masse s’élève jusqu’à 70 degrés centigrades, et elle s’élèverait plus haut encore, carboniserait complètement le tabac, si on n’y prenait garde. Le tabac est ensuite réduit en poudre par des moulins, et soumis de nouveau à une fermentation qui développe son arome. Il ne faut pas moins de seize mois pour que la poudre soit enfin livrée aux consommateurs. Lorsqu’on n’a pas de très grandes quantités de tabac, il est impossible d’obtenir toujours un bon produit car il arrive souvent qu’une masse en fermentation ne réussit pas, prend un mauvais goût ou se charbonne. Ce n’est pas un grand inconvénient quand on peut mélanger la masse manquée à une très grande quantité de tabac, mais il peut en résulter des pertes considérables lorsqu’on ne peut avoir recours à ce moyen.

Quant à la fabrication du tabac à fumer, elle est guidée par des principes tout contraires ; il faut que l’on évite la fermentation, et cela est souvent difficile quand on opère sur de grandes masses. On choisit les feuilles légères ; on les mouille, pour pouvoir les travailler, avec une dissolution de sel marin ; mais, aussitôt qu’elles sont hachées, on chasse l’eau en excès dont elles sont chargées par une chaleur de cent degrés qu’on leur applique brusquement, et on les étend ensuite sur des séchoirs. Malgré toutes les précautions qu’on peut prendre, cette espèce de tabac ne peut recevoir tous les soins que lui donnerait une petite fabrique, et c’est ce qui explique l’infériorité de sa qualité en France.

On ne fabrique en France que les cigares à 5 et 10 centimes ; les autres cigares sont tirés de la Havane, dont les feuilles conviennent surtout à cette fabrication. On a essayé ces deux dernières années de faire venir des cigares de Manille et quelques autres espèces de cigares supérieurs. On ne sait pas encore si ce sera avantageux pour la régie, car peu de personnes en France peuvent payer 40 et 50 cent. un cigare. Cette consommation de luxe sera donc toujours de très peu d’importance, quoique la régie veuille se mettre en mesure, par un approvisionnement plus considérable, de pouvoir satisfaire à toutes les demandes qui lui seront faites. Elle livrera les cigares de luxe à meilleur marché que la contrebande qui, jusqu’à ce jour, avait satisfait à cette consommation particulière.

Il y a encore une branche de produits, celle des cigarettes, que la régie