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Total, 121 millions 894,388 fr., c’est-à-dire beaucoup moins que le produit de deux années actuellement, et à peine le produit de quatre années à l’origine du monopole. Ces chiffres démontrent au-delà de toute évidence l’efficacité de ce régime, qui a fait entrer dans les coffres de l’état 1,470 millions de francs en trente-deux ans, en livrant à la consommation 406 millions de kilogrammes de tabac, ayant seulement une valeur réelle de 585 millions de francs.

VII. — aperçu d’une organisation du travail.

En résumé, l’administration des tabacs ne retire du monopole un revenu si considérable qu’au moyen de l’exclusion complète des tabacs provenant des fabriques étrangères, de l’absence de la concurrence pour l’achat des tabacs indigènes, et des adjudications pour l’achat des tabacs exotiques. Son approvisionnement est régularisé de manière à subvenir à toute augmentation dans la consommation, mais aussi de manière à éviter l’encombrement. La fabrication se fait au meilleur marché possible, mais sans frustrer l’ouvrier d’un juste salaire ; l’homme de peine trouve dans les manufactures de l’état le même salaire que dans tous les travaux des marchés des villes ; l’ouvrier fabricant a un salaire qui lui permet partout de faire vivre sa famille, à laquelle d’ailleurs le travail de la manufacture ne manque jamais. Le débitant fait sur le tabac qu’il vend un bénéfice raisonnable, et la concurrence des débitans est impossible, car le consommateur peut trouver chez tous au même prix le même produit, qu’ils ne peuvent altérer, sans encourir la suppression de leur commerce. Enfin la régie, se pliant aux exigences de la ruse, offre ses produits à bon marché là où l’étranger pourrait lui faire une concurrence sérieuse, et augmente graduellement ses prix à mesure que cette concurrence trouve des embarras plus grands à s’établir. Ce n’est pas l’armée de douaniers qui couvre nos frontières, ce n’est pas le service spécial qui est chargé de la répression de la fraude, ce ne sont pas toutes les mesures violentes qu’on a pu imaginer, qui ont empêché la contrebande : la contrebande n’a été supprimée en partie qu’en vertu de l’annulation de l’intérêt que le fraudeur avait à s’exposer à des dangers qu’il présume toujours pouvoir éviter. Ne sait-on pas que, dans les idées de la population industrielle, frustrer l’état de l’impôt exigé, ce n’est pas voler, et que la qualification de contrebandier ne fait peser aucune infamie sur l’homme dont la vie est une lutte continuelle contre la douane et le fisc ? Sans toutes les sages mesures qu’a prises la régie, son revenu n’aurait jamais atteint le chiffre énorme auquel il est arrivé.

Que d’autre part on considère l’état de souffrance de toutes nos industries, qu’on remonte à la source du mal, et on verra partout la concurrence illimitée engendrer l’encombrement des produits, cet encombrement amener le rabais des prix de ces produits, et partant aussi la diminution presque sans limite du salaire de l’ouvrier. Les produits deviennent moins chers de quel-