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LES DEUX RIVES DE LA PLATA.

sion qui paraissait imminente. La victoire éclatante que remporta le général Paz dans la province de Corrientes sur les troupes d’Echague, lieutenant et allié de Rosas, a sauvé alors Montevideo, et donné aux évènemens une direction nouvelle. Rivera s’est réveillé de son assoupissement, a réuni à la hâte une armée qui néanmoins ne pouvait pas inspirer une grande confiance, et s’est préparé à profiter de l’avantage inattendu que la victoire de Paz avait momentanément donné à sa cause personnelle et à celle des Argentins armés contre Rosas. Mais alors il a tout compromis par ses prétentions, par les exigences de son amour-propre, et par les justes défiances qu’il a jetées dans l’esprit de ses alliés. On a perdu le temps en négociations inutiles pour décider à qui appartiendrait le commandement en chef opiniâtrement réclamé par Rivera. L’armée victorieuse du général Paz, qui avait envahi la province de l’Entrerios, province voisine de Buenos-Ayres, et fort attaché au système de la fédération, se désorganisa et retourna dans son pays ; le parti vaincu reprit possession de la capitale de la province, et se mit en rapport avec Oribe, général en chef des troupes de Rosas sur l’autre rive du Parana ; Rosas se sentit raffermi, et, pour se venger de ceux qui peut-être s’étaient indiscrètement réjouis de ses embarras, lâcha la bride aux assassins, qui ont renouvelé à Buenos-Ayres, en mars et avril 1842, les meurtres impunis du mois d’octobre 1840.

Maintenant, s’il faut en croire les dernières nouvelles, la Bande Orientale est sérieusement menacée. Après avoir remporté un faible avantage, Rivera aurait été complètement battu par le général Oribe, et se verrait bientôt forcé de repasser l’Uruguay. Montevideo serait en alarme ; on y aurait donné la liberté à tous les esclaves en masse, mesure extrême depuis long-temps proposée et devant laquelle le gouvernement avait reculé jusqu’alors ; le général Paz, dont les talens militaires ne sont pas douteux, et qui, écarté par la jalousie ou par les prétentions de Rivera, était à Montevideo dans l’inaction, aurait été appelé au commandement des milices et chargé de sauver la république. Si tout cela est vrai, comme nous le pensons, il faut s’attendre à l’invasion immédiate de la Bande Orientale par l’armée victorieuse du général Oribe, que Rosas n’a pas cessé de reconnaître pour le président légal de l’état de Montevideo, et qui compte dans cette capitale un grand nombre de partisans. Oribe, si long-temps éloigné du véritable but de son ambition, doit être impatient de reparaître sur un théâtre où il va travailler à sa propre fortune, et le général Rosas, qui a trouvé en lui l’instrument habile, heureux et