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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/328

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REVUE DES DEUX MONDES.

Que l’état se dégage des chances inconnues au moyen de sacrifices même exagérés, nous l’admettons sans difficulté, et c’est pour cela que nous approuvons en principe la concession à une compagnie des terrassemens et des travaux d’art du chemin de fer d’Avignon, quelque élevé que soit le prix réclamé par elle ; mais que le gouvernement prenne à sa charge toute la partie éventuelle des travaux, pour concéder ensuite à des compagnies privilégiées des bénéfices énormes et certains, c’est ce qu’il est moins facile d’accorder. Lorsque l’industrie privée court des risques et passe avec l’état un contrat aléatoire, il est légitime, il est nécessaire que les subventions soient élevées ; mais lorsqu’elle n’intervient que pour un service parfaitement défini, et dont les profits sont assurés, alors elle ne fait plus qu’un placement dans des conditions ordinaires, et l’état n’est pas plus admis à lui concéder un intérêt exorbitant qu’à aliéner des rentes à un taux inférieur à celui de leur valeur sur la place.

Les intérêts privés engagés dans le chemin du nord et dans celui d’Avignon à Marseille ont déterminé M. de Larochejaquelein à déposer une proposition dont les bureaux ont fait prompte justice, en n’en permettant pas la lecture. Où s’arrêtera le besoin d’amoindrir la chambre sous prétexte de relever sa considération ? Le moindre inconvénient de la mesure réglementaire proposée par l’honorable membre était de manquer son but, car évidemment aucun contrôle n’est possible en pareille matière, et les députés les plus constamment étrangers aux spéculations industrielles peuvent du jour au lendemain, par suite de successions ou de transactions de la nature la plus légitime, se trouver détenteurs d’actions qui les frapperaient soudain d’incapacité politique. Une telle proposition n’était pas sérieuse, du moins dans la rédaction présentée par son auteur, et la chambre n’a pu s’y arrêter.

Des chances fort incertaines paraissent réservées au projet sur les ministres d’état. Quelque favorable qu’on puisse être au principe de cette mesure, on ne saurait méconnaître que la légèreté avec laquelle elle semble avoir été conçue en a singulièrement compromis le sort. Dans le courant de décembre, une ordonnance royale, précédée d’un solennel rapport au roi, institue avec éclat une sorte de conseil privé, présenté comme le complément nécessaire de la loi sur la régence ; cette ordonnance désigne comme admissibles les anciens ministres secrétaires d’état, les présidens des deux chambres, et un grand nombre de hauts fonctionnaires de l’armée, de la magistrature et du corps diplomatique. Un projet de loi est aujourd’hui présenté où il n’est fait aucune allusion, même indirecte, à l’institution politique qu’avait paru vouloir fonder l’ordonnance royale, et qui se borne à attribuer des pensions viagères aux anciens secrétaires d’état et aux présidens des deux chambres auxquels le roi estimerait utile de conférer le titre de ministre d’état. Le projet de loi a-t-il fait disparaître l’ordonnance ? y aura-t-il des ministres d’état salariés pris dans une certaine catégorie, et des ministres d’état honoraires choisis dans des catégories beaucoup plus larges, en dehors de tout contrôle légis-