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bientôt arriver. » En effet, un autre âne ne tarda pas à nous apporter la femme, trempée de l’eau de la pluie comme son mari. Je voulus savoir ce que signifiait ce romarin prodigué sur la coiffure du contrebandier : « C’est un charme contre les sorcières de la route, » me répondit-on gravement. Le sommeil me pressait, et je n’avais pas le temps d’argumenter avec mes amis. Je me levai le lendemain à quatre heures, et je trouvai mari et femme, toujours protégés par leur romarin, endormis l’un et l’autre au coin du foyer encore allumé. Bientôt ils s’éveillèrent, la femme prépara le déjeuner, qui se composait de sardines salées, grillées sur les charbons ; elle chantait, en les retournant, la vieille chanson espagnole :

À Bethléem jadis,
Pendant la nuit obscure
Les bergers endormis
Reposaient sur la dure ;
Un grand chêne brûlait,
Et la vapeur montait,
Et le chêne craquait,
Et la flamme éclatait, etc. !

« Vous allez donc partir ? me demanda-t-elle en interrompant sa chanson. Alors, prenez un peu du romarin de mon mari ; cela vous garantira de toute espèce de péril. » Je la laissai faire, ce dont elle fut ravie. »

À Merida, il rencontre une troupe de ses chers bohémiens, de ces zincalis, pour lesquels il ne cache pas sa prédilection, et qui la lui rendent bien. « Votre seigneurie est-elle le caloro (bohémien) de Londres dont on nous a parlé ? me cria une voix aiguë et perçante. Le jour tombait, et, levant la tête, je ne pus apercevoir que vaguement les traits hideux, le nez pointu et l’œil terne d’une vieille femme courbée sur un bâton. — Je suis celui que vous cherchez. Et Antonio (son domestique bohême), où est-il ? — Curelando, curelando, baribustres curelos terela, répondit-elle en zincali (il est à l’ouvrage, à l’ouvrage ; il a beaucoup d’ouvrage à faire). Caloro de mi garlochin (seigneur de mon cœur), venez avec moi ; venez dans mon petit ker (domicile), Antonio vous y retrouvera. — Je la suivis. La cité était en ruines et à moitié déserte. La vieille entra dans une rue étroite et sombre, s’arrêta devant une espèce de palais ruiné et en ouvrit la porte. J’étais à cheval. — Vous pouvez aussi faire entrer le gras (cheval), j’ai une écurie pour lui. Allons, mon chabo (ami), ayez