plupart katharéniens, ils ne se firent aucun scrupule d’imiter l’apostasie des nobles catholiques. Dès-lors il y eut en Bosnie une majorité musulmane qui, nécessairement hostile à l’Europe, n’inspira aucune défiance aux sultans, et obtint aisément de la Porte la confirmation de tous ses priviléges.
Les missionnaires latins assurent dans leurs rapports que les musulmans bosniaques, tout comme ceux d’Albanie, tiennent fort peu au Koran, et qu’il serait facile de leur rendre la foi chrétienne. Cette assertion semble contredite par le fanatisme avec lequel les Bosniaques défendent de toute attaque leur religion actuelle ; seulement l’islamisme, tel que le pratiquent les Bosniaques, se rapproche beaucoup plus du culte chrétien que l’islamisme des Turcs, et l’on a pu naturellement regarder la conversion des premiers comme moins difficile que celle des Osmanlis. Ainsi chaque famille a conservé pour patron le saint adopté par ses aïeux chrétiens ; on chôme la Saint-Pierre, la Saint-Élie, La Saint-George ; un père musulman dont l’enfant est malade fait dire pour lui des messes au monastère voisin ; un jeune beg mène en secret les popes prier sur le tombeau de son père. Les Bosniaques n’ont point adopté, comme les autres musulmans, la polygamie, et ils vont, dans quelques districts, jusqu’à laisser leurs femmes sortir, comme les chrétiennes, sans voile, ou du moins avec une partie du visage découverte. Il faut même reconnaître que ces musulmans ont en général pour leurs femmes plus d’égards que les Serbes chrétiens. Ce respect pour le sexe faible a donné chez eux, à la famille, des bases bien plus fortes que chez les Turcs. Malheureusement, dans un pays où le bas peuple, réduit à l’état de raïa, ne peut contrebalancer le pouvoir des nobles, les vertus domestiques des Bosniaques n’ont servi qu’à consolider le funeste élément aristocratique, importé chez eux par les Germains du moyen-âge. Toutefois l’esprit de l’Orient a modifié profondément ces germes de féodalité.
Les mêmes liens qui unissaient dans les temps antérieurs la Bosnie au royaume de Hongrie, la rattachent actuellement à l’empire du Sultan, dont elle est l’alliée plutôt que la sujette. Les Bosniaques s’administrent eux-mêmes, désignent à la Porte les pachas qu’ils veulent avoir, et qui toujours sont indigènes. Il faut en excepter le visir, seul magistrat d’origine ottomane dans le pays : aussi son autorité est-elle sans cesse contestée, et il vit comme bloqué dans sa citadelle de Travnik, le séjour de la capitale lui étant interdit par la constitution, qu’il ne s’enhardit à violer qu’en cas de guerre civile. Comme vicaire du sultan, il a le gouvernement militaire de la province, mais