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Unis. Des obstacles de toutes sortes entravèrent pendant longtemps les efforts de l’Angleterre pour conquérir, transformer à son profit la colonie française établie sur les deux rives du Saint-Laurent ; il y avait néanmoins une population devenue presque indigène, habituée à obéir, et qui n’avait besoin que d’un régime plus libéral pour rivaliser de force et de prospérité avec les colonies anglaises du littoral de l’Atlantique ; le pays depuis long-temps exploré offrait tous les élémens d’une excellente colonisation. Il n’en était pas de même à l’ouest des grands lacs et des Montagnes Rocheuses ; des contrées immenses, inconnues, point de population qu’un petit nombre de tribus indiennes féroces et indisciplinables, une mer lointaine et jamais visitée. De plus grandes difficultés encore s’opposaient à la réalisation des desseins de l’Angleterre. Des titres incontestables à la possession du littoral et de l’intérieur de ce territoire interdisaient à l’Angleterre de l’occuper ouvertement et d’y appeler des colons, comme elle faisait pour le haut Canada. La ruse est venue à son aide ; elle a caché ses tentatives sous le masque des opérations d’une compagnie pour le commerce des fourrures. Toujours prudente, sachant être tour à tour timide et hardie, elle a commencé par reconnaître qu’elle n’avait et ne pouvait faire valoir aucune prétention sur le territoire de l’Oregon, car c’est de l’Oregon qu’il s’agit. Elle s’est faite humble et petite, mais bientôt les concessions qu’elle avait obtenues par surprise, elle les a érigées en titres, et les a considérées comme des droits acquis. Le jour est venu où elle a fièrement demandé de partager le pays où elle n’avait été admise que par une maladroite condescendance, et aujourd’hui enfin, cela ne lui suffisant plus, elle prétend demeurer maîtresse absolue, en droit comme en fait, des contrées dont elle a usurpé la domination au détriment de leurs véritables possesseurs, les États-Unis.

Entre la Californie et les établissemens russes, c’est-à-dire entre le 42° et le 54° 40′ de latitude nord[1], s’étend sur le littoral de la

  1. La limite entre la Californie et le territoire de l’Oregon a été fixée par le traité de 1819 entre l’Espagne et les États-Unis, et confirmée par une convention entre les républiques mexicaines et les États-Unis. Quant aux établissemens russes, il a été convenu, dans un traité conclu à Pétersbourg entre la Russie et les États-Unis le 17 avril 1824, qu’aucun établissement ne pourrait être formé par les citoyens américains sur la côte nord-ouest de l’Amérique septentrionale, ni dans aucune des îles adjacentes au nord du 54° 40′ de latitude ; la Russie s’engageait, de son côté, à ne jamais dépasser cette limite. Une convention exactement semblable fut conclue l’année suivante entre la Russie et la Grande-Bretagne.