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LE TERRITOIRE DE L’OREGON.

les anciennes colonies d’Amérique devenues indépendantes, les États-Unis, qui par une bizarre rencontre semblaient s’être entendus pour explorer en concurrence, la première par terre et les autres par mer, le territoire de l’Oregon, mais dans un but purement commercial. Ainsi, tandis qu’en 1792 le capitaine Robert Gray, envoyé par des négocians de Boston, découvrait l’embouchure de l’Oregon et remontait jusqu’à une certaine distance cette rivière, à laquelle il donnait le nom de Columbia, que portait son navire, une expédition anglaise partait du Canada à la recherche de la rivière dont Carver avait signalé l’existence, et devait surtout examiner les avantages que pouvait offrir le pays qu’elle traversait au commerce des fourrures et des pelleteries.

Depuis plus d’un siècle, l’Angleterre était activement engagée dans cette branche du commerce transatlantique par la compagnie de la baie d’Hudson, dont l’établissement se rattache aux mauvais jours de la restauration anglaise, car ce fut une concession faite, au détriment des entreprises privées, par la prérogative royale à la cupidité et à la soif de spéculations mercantiles et commerciales qui dévorait les courtisans de Charles II. L’acte qui instituait cette compagnie lui donnait en toute propriété les mers, baies, détroits, lacs et rivières, et toutes les terres adjacentes à la baie d’Hudson qui n’étaient pas occupées par des sujets anglais ou par les sujets d’une autre puissance chrétienne. Pendant bien long-temps, grace à ce monopole exorbitant et à la prohibition des fourrures et des pelleteries du Canada, la compagnie de la baie d’Hudson prospéra ; bien que son existence n’eût pas été ratifiée par un acte du parlement, et que tous les sujets anglais eussent la liberté de s’établir et de faire le commerce sur le territoire immense qui lui avait été concédé, les difficultés inhérentes à ce genre de commerce et les obstacles qu’y mettaient les agens de la compagnie rendaient impossible toute concurrence sérieuse. Cet état de choses cessa quand le Canada fut devenu une possession britannique.

On sait que tant que dura la domination française sur les bords du Saint-Laurent, le commerce des fourrures et des pelleteries fut la principale et même la seule ressource du Canada. Le caractère léger et entreprenant de notre nation s’était façonné à merveille aux habitudes que demande ce genre de trafic et aux mœurs des sauvages avec lesquels il se faisait. Ce fut là même l’obstacle invincible contre lequel se brisèrent toutes les tentatives sérieuses du gouvernement français pour fonder dans le magnifique territoire que baigne le Saint-