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fourrures et des peaux de castor qui servaient à la consommation de l’Europe et même de la Chine. Dans les premiers temps, Astor, bien qu’il fût établi à New-York, était obligé d’aller chaque année à Montréal acheter les fourrures qu’il expédiait en Angleterre, car cette colonie ne pouvait faire de commerce qu’avec la métropole. Le traité de 1794 changea cet état de choses. Astor passa alors un contrat avec la compagnie du nord-ouest pour avoir le monopole du marché américain ce qui ne l’empêchait pas de faire des expéditions à l’étranger. Mais ce même traité avait rendu aux États-Unis Oswego, Niagara et quelques autres points importans qui, à cause du voisinage des grands lacs et des tribus indiennes, étaient des centres du commerce des fourrures. C’est alors que cet homme entreprenant résolut de déposséder les Anglais et les Canadiens d’une partie de ce commerce et de la faire passer dans les mains des Américains. D’abord il essaya de lutter avec les comptoirs des compagnies particulières établis sur la frontière des États-Unis. N’ayant pu y réussir, il forma le projet d’exploiter l’immense territoire en-deçà et au-delà des Montagnes Rocheuses parcouru par Lewis et Clarke, d’occuper tout le pays arrosé par la Columbia, de la Californie jusqu’aux établissemens russes, et de s’emparer du commerce des fourrures que les Anglais importaient en Chine, en faisant des îles Sandwich un grand entrepôt. Pour exécuter ce projet, qui reçut l’approbation du gouvernement fédéral et la promesse secrète d’un appui efficace, il fonda en 1809, à New-York, une société en commandite pour le commerce des fourrures et des pelleteries, au capital de 5 millions de francs. Cette somme avait été entièrement fournie par lui, car les directeurs et les actionnaires dont les signatures avaient figuré sur l’acte de société n’avaient fait que prêter leurs noms ; Astor avait voulu couvrir ses projets de la considération qui s’attache ordinairement aux compagnies. Sa première opération fut d’anéantir, avec le concours de plusieurs des actionnaires de la compagnie du nord-ouest, une société pour le commerce des fourrures, dont le siége était à Michilimakniac, et qui pouvait entraver l’exécution de ses plans. Il ne s’agissait de rien moins que de relier le territoire de l’Oregon avec les États-Unis par une ligne de postes et de comptoirs, et de couvrir tout le littoral de la mer Pacifique de forts et d’établissemens commerciaux.

En conséquence, un navire portant vingt canons et soixante hommes partit de New-York dans l’année 1810, doubla le cap Horn, et arriva au commencement du mois de mars 1811, à l’embouchure