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notablement améliorée sur la rive droite de la Plata, si on prenait la peine de s’en occuper. Disons mieux : ce n’est pas l’individu qui dans la classe moyenne est indolent, inactif, insouciant du progrès, c’est le pouvoir qui manque à sa mission ; c’est la société qui, jusqu’à présent, n’a pas su s’organiser pour exploiter paisiblement les immenses ressources du pays, car l’esprit d’entreprise, d’innovation et d’amélioration ne manque pas à Buenos-Ayres, soit que des étrangers l’aient apporté, soit que des citoyens argentins soient allés puiser des leçons et chercher des modèles en Europe. Deux Anglais ont principalement contribué à introduire l’élève des moutons et la production de la laine dans la province de Buenos-Ayres, mais aujourd’hui cette mine qu’ils ont ouverte est exploitée en concurrence par plusieurs propriétaires du pays, qui ont obtenu de beaux résultats par le croisement des races. Les nombreuses usines qui existent aux environs de la ville pour l’extraction et l’élaboration de la graisse des animaux, produit dont la valeur et les facilités de placement s’accroissent sur les marchés étrangers, attestent que les capitalistes de Buenos-Ayres ne s’endorment point dans la routine. Le commerce, de son côté, prendrait un grand développement, parce que les habitans de la ville y sont éminemment propres, et parce que le goût du luxe est général, si les familles les plus distinguées et les plus opulentes n’étaient pas dépouillées, persécutées et proscrites, et si la société entière y jouissait avec sécurité du fruit de son travail ; car les besoins qui entretiennent le commerce et rapprochent les peuples en les rendant tributaires les uns des autres, ne sont plus à créer chez les habitans de la province de Buenos-Ayres, qui se sont accoutumés à l’usage des marchandises étrangères, et en consommeront d’autant plus qu’ils s’enrichiront davantage. D’ailleurs, tous les pavillons sont égaux à Buenos-Ayes pour les droits de douane ; et, bien que ces droits soient assez élevés, si le pays était tranquille et produisait tout ce qu’il peut produire sans effort, ils ne seraient pas un obstacle au développement du commerce étranger, quand celui-ci pourrait compter sur une abondance constante des objets de retour.

Enfin, pour tout dire, la province de Buenos-Ayres, douée d’un climat sain et tempéré, propre à une grande variété de cultures, suffisamment arrosée, quoique souffrant quelquefois de la sécheresse, facile à couvrir de chemins, riveraine d’un fleuve qui lui apporte les produits de l’Europe et qui la met en communication avec des régions tropicales dont les produits sont différens des siens, pourrait être le pays le plus riche et le plus heureux de l’Amérique espa-