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VOYAGE AUTOUR DU MONDE.

amorcée, on prend autant de damiers qu’on le veut : une fois sur le pont, ils rejettent les alimens qu’ils ont dans l’estomac, et, quoiqu’on les laisse libres, ils ne peuvent plus s’envoler. Dans ces mers, comme dans tout le cours du voyage, les officiers de la Vénus exécutèrent des sondes de température à de grandes profondeurs et avec des fatigues infinies. Peut-être y a-t-il aujourd’hui quelque puérilité dans l’importance que l’on accorde à ces expériences toutes variables et souvent contradictoires. Un instant, l’Académie des sciences a eu l’espoir d’y trouver les élémens d’un système complet : cette attente ne s’est pas réalisée. À bord de la Vénus, rien de concluant ne fut obtenu. Près des Marquises, l’observation donna le même degré de température à huit brasses de profondeur qu’à deux cents. Aux environs du cap Horn, et par 57 degrés de latitude, on envoya une sonde à deux mille deux cent quatre-vingt-dix brasses, sans fond. Le plomb mit quarante-cinq minutes à descendre, et la pression de l’eau brisa le thermométographe. Il fallut pour le retirer employer soixante hommes et plus de trois heures. Le lendemain, on sonda de nouveau, et on alla jusqu’à deux mille cinq cents brasses. La mer était belle ; un calme plat favorisait l’expérience ; cependant l’instrument fut encore brisé. La pression à cette profondeur de plus d’une lieue était de 871,600 livres par pied carré de surface.

Après avoir visité divers ports du Chili, la frégate mouilla devant Valparaiso, où se tiennent habituellement nos stationnaires. L’escadrille française se composait alors de la frégate la Flore, la Corvette, l’Ariane et le brick le d’Assas. Cette relâche se prolongea pendant un mois, qui suffit à un ravitaillement complet, après quoi la Vénus vint jeter l’ancre dans la baie du Callao, qui sert de port à la ville de Lima. Un trajet de quelques lieues sépare ces deux résidences. Pour arriver à la capitale du Pérou, on franchit une avenue de très beaux peupliers d’Italie entremêlés de saules pleureurs. À droite et à gauche de la route s’étendent des jardins où l’oranger a le port et la grandeur des chênes. Souvent on y voit sur la même branche le bouton, la fleur et le fruit. L’air est rempli de parfums ; la vue se repose sur une végétation prodigue de belles nuances. Des conduits dans lesquels coule une eau limpide bordent le chemin et y entretiennent la fraîcheur. Cette avenue de Lima est vraiment pleine de grandeur et de charme ; elle est digne de la ville des rois, comme on la nommait dans les beaux jours de l’occupation espagnole. Dans ce parcours d’un mille et demi environ, on trouve trois ronds-points entourés de bancs sculptés : le troisième aboutit à la porte de Lima,