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de rennes ne se trouvent que plus au nord, et ici, d’ailleurs, les chiens les remplacent avec beaucoup d’avantage.

Ainsi se passa le séjour de la Vénus dans les eaux de Pétropawlowski, au milieu de prévenances et de fêtes. Le capitaine du Petit-Thouars ne voulut pas être en arrière de politesses, et reçut à son tour à bord de la frégate le gouverneur, l’état-major russe et les chefs kamtschadales. On se mit à table, et pendant le repas la musique exécuta quelques airs des opéras nouveaux. Deux toasts furent portés : l’un à l’empereur de Russie, l’autre au roi des Français, et une salve de vingt-un coups de canon les salua tous les deux. Après le repas, les chefs kamtschadales demandèrent à être introduits ; chacun d’eux apportait son présent, l’un un bois de renne, l’autre des cornes d’argalis ; en retour, le commandant français leur donna des instrumens aratoires et à chacun un fusil à deux coups. Ces cadeaux les comblèrent de joie, et le plus jeune crut devoir témoigner sa reconnaissance en exécutant une danse nationale qui divertit beaucoup les convives. Ce prince kamtschadale était vêtu d’une robe de fourrure de peaux de rennes qui tombait à mi-jambe ; des manches longues et un capuchon s’adaptaient à ce vêtement, orné à toutes les extrémités d’une bordure artistement tissue et brodée en poils de diverses couleurs ; une ceinture décorée de la même manière et fixée par une agrafe en ivoire de lion de mer complétait cet ajustement ; des bottes en peau de renne, remontant au-dessus des genoux, lui servaient à la fois de pantalon et de chaussure. Ainsi accoutré, il se mit à exécuter sa pantomime, qui figurait une scène d’amour entre deux ours. Il paraît que c’est une danse de caractère fort appréciée dans le pays. Du reste, le prince indigène s’en tira au mieux ; son vêtement prêtait à l’illusion ; les gestes, les grimaces, les contorsions, les poses achevaient de rendre la scène plus bouffonne.

Ces Kamtschadales sont de très hardis chasseurs ; ils poursuivent au milieu des neiges les rennes et les argalis, les ours, les renards et les loups dans les contrées moins froides. Ils expédient chaque année leurs pelleteries et leurs fourrures sur les marchés de Moscou et de Saint-Pétersbourg, ou dans les ports de la Chine les plus voisins. La bête la plus abondante, c’est l’ours ; on en trouve peu de noirs, mais beaucoup d’un brun fauve à reflets jaunes ou blancs. Les ours vivent sur le bord des rivières et dans des marais, où ils se nourrissent de poissons qu’ils savent pêcher à merveille. Quand le poisson est gros, l’ours le poursuit et parvient à le happer ; mais, s’il faut en croire quelques récits, l’animal use vis-à-vis du frêtin d’un