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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/638

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REVUE DES DEUX MONDES.

d’un oiseau, à imiter, à copier la nature et rien de plus ; ceux-ci dominés en toute chose par l’imagination, font flotter aussi, à de grandes hauteurs, leurs patangs (cerfs-volans), mais ce sont des serpens de gaze à la gueule effrayante, des poissons fantastiques empruntés à la mythologie, et dont ils s’épouvantent volontiers eux-mêmes quand le soir, effaçant le fil à travers l’espace, laisse voir encore le grand reptile, le monstre aérien qui se déroule, s’agite et frémit avec un bruit strident à cent pieds au-dessus de la cime des arbres.

Cependant, malgré ces nombreux bazars, il est presque impossible à l’Européen de rien acheter par lui-même ; il lui faut le dobashi, l’interprète, le baboo, l’homme d’affaires, qui s’interpose entre son compatriote et l’étranger, réduisant les prétentions de l’un et prélevant son bénéfice sur l’inexpérience de l’autre. Qui voudrait, d’ailleurs, pour les achats considérables, courir tout le jour dans des ruelles infectes où sont emmagasinées les marchandises de cargaison, chercher dans la foule, dans la cohue d’une bourse en plein air, le courtier hindou couché dans un palanquin et qu’on reconnaîtra peut-être à ses porteurs comme une voiture aux chevaux qui la traînent ? Le baboo est donc le plus important personnage d’une maison de commerce, soit qu’en qualité de commis il dirige toutes les affaires du dehors, et passe les marchés suivant son intérêt particulier, soit qu’en qualité de banquier, il accorde ou refuse à son gré, selon les chances de succès, l’argent qui lui est demandé par le négociant qu’il alimente. Il a fallu du temps pour que les Hindous s’habituassent à prendre une part active au commerce européen ; mais ils paraissent s’en être bien trouvés, et d’opulens baboos, magnifiquement établis dans de vastes hôtels, témoignent, par le luxe de leurs équipages, des gains énormes réalisés dans des spéculations qu’on regardait naguère comme hasardeuses et téméraires.

Bien que Calcutta possède des chapelles protestantes, des églises catholiques, grecques, arméniennes, une synagogue, un temple seik, des pagodes, des mosquées, on n’y voit ni clochers, ni minarets, ni dômes remarquables. Les vastes péristyles de la Monnaie (the Mint), les colonnes ioniques et doriques du palais du gouverneur sont de froides copies de ces édifices soi-disant grecs auxquels les architectes modernes ne nous ont point encore habitués. Les belles maisons du fashionable quartier de Chowringhee (bâti sur l’emplacement de la forêt qui bornait Calcutta au commencement du dernier siècle) sont maladroitement ornées de colonnes revêtues de