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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 mai 1843.


L’ouverture des deux grandes lignes de chemins de fer est venue jeter quelque diversion dans la monotonie d’une saison politique languissante et stérile. La chambre, déjà lasse d’elle-même et comme humiliée d’une impuissance que trop d’hommes considérables semblent prendre plaisir à entretenir, est montée avec bonheur dans les waggons qui, à travers de fraîches campagnes, l’ont transportée à Orléans et à Rouen. Mieux vaut pour tout le monde respirer le grand air dans de vertes prairies, et suivre le cours sinueux d’un beau fleuve, que de s’épuiser au Palais-Bourbon en conversations énervantes et en conjectures presque toujours mal fondées sur les paroles de tel homme politique et le silence de tel autre. Durant cette éclipse du gouvernement représentatif, péril plus grand qu’on ne le soupçonne pour les hommes qui ont contribué à l’amener, il ne reste aux députés, comme aux autres citoyens, qu’à s’enquérir de la floraison de leurs vignes et de leurs pommiers, qu’à remplir leur triste mandat de commissionnaires-apostilleurs et à faire leurs affaires privées, heureux lorsqu’ils ne recherchent pas, pour faire valoir les intérêts dont ils acceptent le patronage, ces positions parlementaires qui obligent les ministres à compter avec eux.

C’est un bonheur véritable que de se soustraire pour deux jours à de telles misères, de traverser la vallée d’Étampes, et de courir à vol d’oiseau le long de la Seine. À Orléans, les nombreux voyageurs ont trouvé une population un peu froide, un peu étonnée, et comme inquiète de tout ce bruit et de ce grand changement dans des habitudes séculaires. Cette population semblait se demander ce que lui rapporterait un rapprochement dont le besoin est moins vivement senti dans une ville sans industrie, qui, malgré sa proximité de Paris, a conservé des mœurs éminemment provinciales. À Rouen, au contraire, le chemin de fer était un hôte long-temps attendu, et dont l’arrivée a