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REVUE. — CHRONIQUE.

rappeler dans leurs cours certains traits de l’histoire des jésuites devant une génération qui l’avait un peu oubliée ? Les néo-catholiques ont fait quelques essais de protestation, mais ces tentatives maladroites et inconvenantes ont été étouffées sous les applaudissemens. D’après un bruit qui circule dans le public, on aurait formé le projet de troubler l’ordre dans tous les cours où les questions historiques et philosophiques sont traitées avec indépendance. Ce qui peut donner de la consistance à ce bruit, c’est que les mêmes tentatives ont été renouvelées ces jours-ci au cours de M. Barthélemy Saint-Hilaire, quoique ce professeur, qui traite de la philosophie de Platon, n’ait pas fait la moindre allusion aux discussions actuelles. C’est avec une véritable indignation que l’on a entendu un ecclésiastique vociférer contre le professeur et essayer de lui répondre à la fin du cours. Qu’aurait dit le clergé, si, pendant le carême dernier, lorsque des prédicateurs comparaient, dans certaines églises de Paris, l’Université à une prostituée, quelque professeur se fût tout à coup avisé de siffler ? Qu’on tâche donc de ne pas provoquer de si faciles représailles.

Nous le répétons, la question est grave ; elle mérite toute la sollicitude du gouvernement. La France veut les conquêtes de la révolution, elle veut, avant tout, que la liberté de conscience, achetée au prix de si grands sacrifices, ne puisse recevoir la plus légère atteinte. Ce qu’elle veut, elle l’aura. Si le pouvoir montrait quelque hésitation à cet égard, le pays ne tarderait pas à s’inquiéter et à se souvenir des luttes dangereuses de la restauration.


M. Adolphe Dumas vient de tenter au théâtre de la Porte-Martin une épreuve qui ne lui a guère mieux réussi que le Camp des Croisés. Quel que soit le sentiment pénible qu’on éprouve à voir échouer les espérances d’un esprit honnête et laborieux, il n’en faut pas moins convenir que M. Adolphe Dumas, par la nature même du sujet dont il avait fait choix, s’était préparé un avortement inévitable. Prétendre mettre à la scène l’histoire de Louis XIV et de Mlle de Lavallière, grouper autour de ces royales amours, si charmantes, si simples, si parfaitement dénuées de tout ce qui constitue dans le fait l’élément dramatique, des personnages tels que Molière et Bossuet, il y avait là sans doute de quoi épouvanter un homme de génie ; l’auteur du Camp des Croisés n’a point hésité. Voyez-vous maintenant Bossuet sous les traits de M. Jemma, l’homme des Oraisons funèbres faisant de son anneau épiscopal un de ces vulgaires moyens à l’usage de toutes les inventions théâtrales ! À tout prendre, j’aimais mieux le Bossuet de l’Ambigu-Comique, car l’Ambigu-Comique posséda, lui aussi, son Louis XIV et sa Mlle de Lavallière ; rien n’est nouveau sous le soleil du lustre, et M. Adolphe Dumas n’a pas même le mérite d’avoir découvert un sujet impossible au théâtre. Du moins ce Bossuet-là n’ouvrait la bouche qu’une fois dans le courant de la pièce, et encore avait-il le bon esprit d’emprunter aux Oraisons funèbres les quelques paroles qu’il