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L’ÎLE DE TINE.

De toutes les îles de l’archipel grec, Tine est peut-être la moins connue ; sa position la met en dehors de tous les itinéraires. Aucun reste précieux des temps passés ne la recommande à l’archéologue, aucun grand souvenir au poète, aucun attrait commercial à la cupidité mercantile ; aussi, savans, rêveurs et marchands se contentent-ils de jeter en passant un regard à la silhouette bleue de ses rochers. J’allais sans doute en faire autant, lorsqu’une circonstance particulière, peut-être aussi ma bonne étoile, en décidèrent autrement. En partant de Malte pour faire dans le Levant un long voyage, j’avais eu l’intention de me rendre directement à Athènes, mais je fus arrêté à Syra par un obstacle imprévu. Le paquebot qui m’avait amené allait à Constantinople, celui sur lequel j’avais compté pour atteindre le Pirée venait d’Égypte, il était en quarantaine, et, si je mettais le pied à son bord, j’étais condamné, sinon à la peste, du moins à huit jours de prison. Force me fut de débarquer et d’attendre une occasion meilleure.

Je m’inquiétai peu d’abord de ce contre-temps ; Syra était fort triste, me disait-on, mais Syra n’était-ce pas déjà la Grèce, et pouvais-je voir assez tôt cette patrie de mes rêves ? Malheureusement, dès le soir même, j’avais pris en haine cet odieux rocher ; pour la première fois depuis mon départ, le désenchantement était venu, et l’ennui le suivait. Plusieurs jours s’écoulèrent lentement dans une