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REVUE. — CHRONIQUE.

presbytérienne d’Écosse ne reconnaît pour chef que Jésus-Christ. Cette situation jointe au souvenir des efforts tyranniques tentés à plusieurs reprises par les souverains anglais pour introduire en Écosse le système épiscopal, a créé entre les deux pays une séparation religieuse telle qu’en général le peuple d’Angleterre s’occupe très peu des affaires de l’église d’Écosse. Les causes qui ont amené le schisme qui vient de se déclarer sont donc peu connues, et il ne sera peut-être pas inutile de les exposer en peu de mots.

À l’époque de la réformation, l’église, en Angleterre, fut changée par le roi, en opposition avec le peuple, et elle devint monarchique ; mais en Écosse, elle fut changée par le peuple, en opposition avec la couronne, et elle devint républicaine. Toute l’histoire de l’église d’Écosse, jusqu’à la révolution de 1688, est une série de triomphes sur l’autorité séculière, qu’elle finit par vaincre complètement. Quand les Écossais offrirent le trône de leur pays au roi Guillaume et à la reine Marie, la reconnaissance de l’église presbytérienne comme église nationale fut expressément stipulée, et aujourd’hui encore, le roi ou la reine de la Grande-Bretagne, en montant sur le trône, prête le serment de maintenir l’église d’Écosse dans tous ses droits, priviléges et immunités. Le seul contrepoids à cette tendance républicaine et théocratique du presbytérianisme était dans la loi du patronage qui donnait à l’état ou aux propriétaires le droit de présenter les ministres aux charges vacantes. Le roi Guillaume ne put pas même conserver ce dernier recours de l’autorité séculière, et il fut obligé de laisser la nomination du ministre entre les mains de la congrégation.

Cependant, peu à peu le pouvoir temporel reprit du terrain, et une loi de la reine Anne rendit aux propriétaires le droit de patronage. Le patronage pouvait, en effet, être considéré comme une propriété particulière, puisque les propriétaires payaient les ministres. Ce fut une première réaction du pouvoir séculier contre la domination du pouvoir spirituel. L’église conservait néanmoins de nombreuses garanties. Le ministre présenté par le patron était soumis à un examen et à une enquête de la part du clergé, et n’était admis qu’après cette épreuve. Le droit de patronage fut exercé assez paisiblement jusque dans ces dernières années, où l’église presbytérienne manifesta la résolution de ressaisir son ancienne suprématie exclusive. En 1834, l’assemblée générale, qui est une assemblée élective, passa un acte connu en Écosse sous le nom de veto act. D’après cet acte, les presbytères, ou cours inférieures ecclésiastiques devaient, avant de prononcer sur la capacité d’un ministre présenté par un patron, le soumettre à l’élection de tous les chefs de famille de la paroisse. Le veto de ce jury était absolu. C’était mettre le droit du patron ou propriétaire à la merci de l’élection populaire. Les cours civiles refusèrent de reconnaître la légalité de cet acte. La question fut portée devant le tribunal suprême, la chambre des lords, qui se prononça pour les cours civiles contre les cours ecclésiastiques. Les ministres nommés par les patrons, et confirmés par la chambre des lords, furent à leur tour suspendus de leurs