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LE MOIS DE MAI À LONDRES.

son exposition à ses frais ; on s’en aperçoit en payant à la porte le schelling de rigueur. Elle n’admet les étrangers à exposer que parce qu’elle le trouve bon ; que ce soit par vrai libéralisme ou par spéculation, peu importe ; elle n’en a pas moins un droit absolu d’exclusion sur tout ce qu’on lui présente. Il est vrai qu’elle use modérément de ce privilége. Le nombre des exposans en 1843 est d’environ huit cents, et le nombre des ouvrages exposés est de près du double. De pareils chiffres ne sont guère conciliables avec les reproches de monopole qu’on adresse à l’académie. On a essayé plusieurs fois de faire une exposition en dehors de celle de la Galerie nationale, mais cette tentative n’a pas beaucoup mieux réussi à Londres qu’à Paris. Faut-il en conclure que tout est pour le mieux ? Je n’en sais rien, et je ne me charge pas de résoudre cette difficulté, qui se débattra tant qu’il y aura au monde des artistes et des juges.

Quand on entre dans la galerie de sculpture, on est frappé au premier abord de la quantité de bustes qu’elle renferme. Toujours la manie des portraits. Malheureusement aucun de ces bustes ne mérite d’être cité. Il n’en est pas de même de quelques statues en marbre de M. Baily. M. Baily est un sculpteur gracieux et habile. Sa statue du docteur Wood a le tort de trop rappeler celle de Watt, par Chantrey, qui orne une des chapelles de Westminster ; mais ses deux figures d’Hélène et de Psyché sont pleines de charme et d’élégance. On ne rend pas assez justice, en général, à la statuaire anglaise. Flaxman était le digne rival de Canova, et Chantrey, qui vient de mourir, a laissé quelques monumens admirables. M. Baily n’est pas indigne d’être cité après ces maîtres. Quant à l’architecture, dont les plans occupent une salle particulière, elle est toujours au même point de stérilité. Seulement la mode a changé. Naguère on n’aimait que le genre grec ; tout ce qui se bâtissait à Londres offrait une série interminable de colonnades et de frontons. Aujourd’hui c’est le genre gothique qui prévaut, ce qu’on appelle en Angleterre le style tudor, par allusion aux monumens du temps de Henri VII, comme la chapelle de Westminster. Le nouveau palais du parlement, dont l’immense façade se développe déjà le long de la Tamise, est construit dans le style tudor. Il n’en faut pas davantage pour que tout le monde adopte ce style. C’est à qui aura un château ou une maison avec des tourelles, des ogives élancées, des trèfles, des colonnettes, et tous les ornemens du gothique le plus fleuri.

À côté du local occupé par l’Académie royale de musique et de sculpture est celui de la société des peintres d’aquarelles. Là s’ouvre