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L’aspect de la chambre des lords est encore plus simple que celui de la chambre des communes. Les séances de ce corps superbe, où une tête couronnée vient de réclamer sa place, se tiennent dans une salle qui n’est pas plus grande et plus ornée que celle d’un de nos plus modestes tribunaux. La disposition est à peu près la même que dans la chambre des communes. Le sac de laine du lord chancelier est à la même place que la chaire du speaker ; il n’y a de plus que le trône royal à l’un des bouts, et à l’autre, la barre où comparaissent les communes le jour de l’ouverture du parlement. Dans cet étroit espace, sur ces bancs incommodes, se pressent les hommes les plus riches et les plus considérables du monde entier. Ce vieillard, assis sur les bancs ministériels, avec les jambes allongées, les bras croisés sur sa poitrine, et le chapeau enfoncé sur les yeux, c’est le duc de Wellington ; auprès de lui est lord Aberdeen, ministre des affaires étrangères. De l’autre côté, voilà lord Lansdowne, lord Melbourne, lord Clarendon ; cet orateur qui parle sur tout et toujours bien, c’est lord Brougham. Les séances des lords sont en général beaucoup plus courtes que celles des communes ; la discussion y est encore plus familière. J’y ai vu, entre l’évêque d’Exeter et le lord chancelier, une petite querelle de bonne compagnie qui ne se serait pas passée autrement dans un salon.

Qui le croirait ? ce qui a le plus préoccupé la chambre des lords pendant le mois dernier, ce n’est ni l’Irlande, ni l’Écosse, ni même tel ou tel bill ministériel, mais une question d’un tout autre ordre, et dont le simple énoncé surprendra probablement beaucoup. Lady Townshend, femme de lord Townshend, pair d’Angleterre, a eu plusieurs enfans qui passent pour n’être pas légitimes. L’aîné de ces enfans, qui est membre de la chambre des communes, a pris le nom de lord Leicester, titre que porte ordinairement l’héritier de la pairie des Townshend. Un frère du lord, qui hériterait de la pairie si les enfans de lady Townshend n’en héritaient pas, a intenté une action devant la chambre pour faire déclarer l’illégitimité de ces enfans. En conséquence, les lords ont procédé publiquement à la plus singulière des enquêtes. De nombreux témoins ont été entendus, des avocats ont longuement plaidé dans les deux sens, et la chambre a fini par admettre les réclamations de la famille Townshend. Il est à remarquer, pour rendre cette histoire plus caractéristique, que la recherche de la paternité est interdite en Angleterre comme en France devant les tribunaux ordinaires ; mais le parlement est au-dessus des lois. Tous les jours, des affaires privées sont portées devant le parlement ; lui