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TENDANCES COMMERCIALES DES ÉTATS-UNIS.

de demander à ses voisins. La lutte intérieure ramènerait les embarras de la concurrence extérieure.

D’un autre côté, les partisans du système protecteur disent qu’il est impolitique de laisser au commerce la faculté de se régler par lui-même ; que la société, ne pouvant faire un partage, entre les commerçans, des opérations auxquelles le pays devrait se limiter pour rester dans une situation prospère, il s’ensuit que les voies de circulation sont sans cesse engorgées, et conduisent à la ruine et aux désastres. Peut-être, si l’étranger, en échange des articles manufacturés qu’il fournit, recevait libéralement le blé et les produits de l’Amérique sous des taxes modérées des deux côtés, les états de l’Union auraient quelque tort de soulever la question qui s’agite. Cependant alors un simple changement de législation en Europe, sur les grains par exemple, amènerait la baisse des principales denrées de l’Amérique ; le numéraire serait exporté, et avec lui disparaîtrait la confiance due aux effets servant de medium circulant. L’impossibilité, sans numéraire ni crédit, d’acquitter les dettes, plongerait de nouveau dans la banqueroute les classes engagées dans les affaires. Le prix des salaires, celui des produits, descendraient à un taux tellement avili, que l’on pourrait fabriquer à aussi bas prix qu’en Angleterre. Telle est la perspective qu’offre le commerce libre considéré dans ses diverses phases, mais peut-on penser que ce soit là résoudre la difficulté ?

Serait-il sage d’engager un peuple dans sa ruine, parce qu’une fois ruiné, le prix du travail et des denrées tombera tellement qu’il sera avantageux de recommencer des entreprises ? Et ces entreprises auront-elles des chances de durée ? À la première lueur de prospérité, ne verra-t-on pas de nouveau se succéder les cargaisons britanniques, amenant à leur suite la répétition des désastres antérieurs ?

La véritable et saine politique du gouvernement américain, ajoutent-ils, doit être de lutter contre la politique agressive de ses rivaux, de repousser les restrictions par des restrictions, les droits par des droits ; de protéger et de favoriser ses manufactures comme la Grande-Bretagne protége son agriculture, de garder ainsi le peuple de l’abîme sans fond de la dette étrangère et de la banqueroute, d’étendre la sphère de l’industrie, et de poser des bases profondes à l’indépendance nationale.

Les conséquences de l’acte de navigation, qui n’eût pas porté si haut la puissance de l’Angleterre, si dès le milieu du XVIIe siècle la France, la Hollande, l’Espagne, y eussent répondu par de semblables