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mon article du Patriote. Eh bien ! j’y tiens à ce feuilleton, et surtout à mes entrées aux théâtres. C’est vous qui serez rédacteur en chef, n’est-ce pas ?

— Probablement.

— Alors je regarde l’affaire comme conclue.

— Cependant, si votre père s’y oppose, il me sera bien difficile…

— Bah ! mon père ! il ne voit que par vos yeux. Maintenant c’est votre affaire, je ne m’en mêle plus. Changeons de propos. Avez-vous fait entendre raison à mes créanciers ?

— J’ai fait de mon mieux, mais ce sont des vautours difficiles à apprivoiser.

— Des vautours ! dites des requins ! Mon tailleur ?…

— Consent à réduire de cent cinquante francs son mémoire, qui reste donc fixé à sept cents ; mais il veut être payé dans un mois.

— Et le maître de l’hôtel où je logeais ?

— Il prétend que ce qu’il a trouvé dans la malle qu’il a retenue en gage ne vaut pas trente francs.

— Je la lui laisse pour quinze. Et il veut aussi être payé ?

— Avant quinze jours ; c’est là tout le délai que j’ai pu obtenir. Depuis qu’il sait que votre père est député, il est intraitable. Votre portier réclame aussi une trentaine de francs.

— Au diable ! Allons, je vois que, tout compris, mon passif doit s’élever à deux mille francs.

— Un peu plus. Croyez, mon cher Prosper, que si j’avais eu des fonds, vous seriez depuis long-temps hors d’embarras ; mais vous connaissez ma position.

— Sans doute ; je sais que ce n’est pas l’obligeance qui vous manque. Diable ! deux mille francs !

— Tout ce que j’ai pu faire depuis que je suis ici, c’est d’obtenir que vos créanciers ne s’adressent pas encore à votre père, comme leurs lettres vous en menaçaient. Cependant le délai qu’ils ont accordé est si court ! Avez-vous de l’argent ?

— Six cents misérables francs ; car mon père, cette fois, n’a voulu me payer d’avance que trois mois de ma pension.

— Que ferez-vous donc ?

— Ce que j’ai déjà fait l’an dernier. J’irai à Coblentz.

— Je ne comprends pas.

— Coblentz, pardieu ! c’est mon brave oncle Pontailly. S’il avait été ici au mois de juillet, je ne serais pas arrivé à Douai dans le costume de l’enfant prodigue.