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où les esprits vraiment religieux se satisferont de quelques hautes clartés !

Le pamphlet publié et distribué à Chambéry en août 95, sous le nom de Jean-Claude Têtu, est une provinciale savoyarde à la portée du peuple, une petite lettre de Paul-Louis en style du cru. Partant le sel en est gros et gris, mais il y en a sous la trivialité. Il s’agit de profiter du nouveau bail réclamé par la France au sujet de la constitution de l’an III, pour réveiller l’opinion royaliste dans le pays et pour pousser à une restauration :

« … Nous avons tous sur le cœur cette triste comédie de 1792, lorsqu’une poignée de vauriens, qui se faisaient appeler la nation, écrivirent à Paris que nous voulions être Français. Vous savez tous devant Dieu qu’il n’en était rien, et comme quoi nous fûmes tous libres de dire non, à la charge de dire oui[1] ?

« Or, voici une belle occasion de donner un démenti à ceux qui nous firent parler mal à propos. Aujourd’hui, nous ne sommes plus si épouvantés que nous l’étions alors ; nous avons un peu repris nos sens. Croyez-moi, disons tout rondement que nous n’en voulons plus.

« Vous croirez peut-être qu’il y a de l’imprudence à parler si clair ? Au contraire, vous pourrez par là faire grand plaisir à la C. N. (Convention Nationale). Tout le monde sait assez qu’elle a besoin et partant envie de la paix. Or, cette réunion à la France la gêne, et le vœu de la nation, quoiqu’il n’ait jamais existé que dans la boîte à l’encre du citoyen Gorrin[2], forme cependant un obstacle très fort aux yeux de la C. N., qui est retenue par le point d’honneur plus que par la valeur de notre pays.

« En lui disant la vérité, vous la mettrez à l’aise, et elle vous en saura gré ; ce raisonnement est clair comme de l’eau de roche.

« Mais supposons qu’elle pense autrement, qu’elle veuille à tout prix garder

  1. Il est bon, en histoire, de contrôler les récits l’un par l’autre, de se placer tour à tour sur chacun des revers des monts. Croirait-on bien, par exemple, à lire ces assertions positives, qu’il s’agit du même fait que l’historien de la révolution française a résumé si couramment avec son agréable vivacité ? « Tandis que ses lieutenans poursuivaient les troupes sardes, Montesquiou se porta à Chambéry le 28 septembre, et y fit son entrée triomphale, à la grande satisfaction des habitans, qui aimaient la liberté en vrais enfans des montagnes, et la France comme des hommes qui parlent la même langue, ont les mêmes mœurs et appartiennent au même bassin. Il forma aussitôt une assemblée de Savoisiens pour y faire délibérer une question qui ne pouvait pas être douteuse, celle de la réunion à la France. » Claude Têtu va essayer de répondre dans ce qui suit à cette dernière opinion si spécieuse. L’historien victorieux nous a dit la journée de l’entrée triomphale ; M. de Maistre, l’un des battus, nous racontera tout à l’heure le lendemain et le tous-les-jours.
  2. L’imprimeur du département.