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provinciale, de la municipalité et des chefs esparteristes de la garde nationale, a publié et distribué un manifeste qui contient contre la France et le gouvernement français les imputations les plus fausses. Certes, nul n’a plus respecté que notre gouvernement l’indépendance et la dignité de l’Espagne ; les actes et les paroles du gouvernement à ce sujet sont également irréprochables. Et il est plus que surprenant que des hommes d’Espartero, qu’un parti qui n’est connu que par sa déférence pour l’étranger, ose accuser la France d’influence illégitime et d’intrigues ; ces sottes diatribes ne méritent pas l’honneur d’une réfutation. Nous voulons bien qu’il y ait encore des Pyrénées, et en vérité il serait difficile de dire, l’histoire à la main, de quel avantage ont jamais été, pour la France, le voisinage et l’amitié politique de l’Espagne ; mais de notre respect pour l’indépendance de l’Espagne le parti d’Espartero aurait tort de conclure que la France devrait supporter l’établissement au-delà des Pyrénées d’un système avoué et permanent d’hostilités contre elle. Le premier besoin d’une nation, c’est de se protéger elle-même et de se défendre. Que le gouvernement espagnol n’ait pour nous ni amitié ni sympathie, soit : c’est son droit ; mais si de la froideur et de l’indifférence il passait à des vues hostiles et à des pensées nuisibles à son voisin, commencerait alors le droit de la France.


— Il y a vingt ans déjà que le gouvernement prussien et l’Académie de Berlin poursuivent, avec persévérance, l’exécution d’un recueil général des inscriptions grecques. Ce concours prêté aux lettres par la politique, ce vaste et curieux monument élevé, sous les auspices de l’administration, à l’archéologie et à la science historique, étaient faits pour éveiller ailleurs de nobles jalousies, pour piquer d’honneur l’érudition française. M. le ministre de l’instruction publique, mu par une pensée à la fois scientifique et nationale, a conçu l’idée d’une collection plus utile encore et bien autrement vaste. Il ne s’agit de rien moins que d’un ample et complet répertoire des inscriptions latines où viendront, dans un ordre meilleur, se fondre tous les recueils antérieurs, toutes les publications partielles, tous les documens dispersés, sans compter les résultats des investigations nouvelles et les innombrables textes épigraphiques que nos conquêtes d’Alger apportent chaque jour à la science. Un pareil monument, on le conçoit, ne peut être exécuté qu’avec le concours, et, si l’on peut dire, avec la collaboration de tout le monde ; heureusement l’appel fait par M. Villemain ne peut manquer d’être entendu dans tout le territoire de l’ancienne société romaine. L’exécution d’une semblable tâche revenait de droit à la France : la France est restée romaine plus qu’aucune autre nation, et c’est elle aussi qui a donné la première à l’Europe l’exemple de ces grandes entreprises d’érudition, qui, quoi qu’on en dise, n’ont été dépassées nulle part. En confiant à des hommes aussi entendus en ces matières que le sont MM. Leclerc, Letronne et Patin, les soins et la surveillance d’une collection que l’état seul pouvait entreprendre, le ministre de l’instruction publique a donné à son projet des garanties d’exécution