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DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES.

En considérant les choses sous ce point de vue, on sera porté à regretter qu’on ait cru devoir classer si méthodiquement les diverses espèces de sociétés, en limiter le nombre, et déterminer si rigoureusement leurs conditions d’existence. Il fallait, ce semble, laisser plus de latitude au commerce, et faire une part plus large à la liberté des contrats. Si le législateur a cru faire en cela acte de prévoyance et de sagesse, assurément il s’est trompé. Au lieu de régulariser l’association, il n’a fait qu’arrêter son développement et contrarier ses lois. Au lieu d’introduire l’ordre dans ce genre de transactions, il n’a fait que fomenter, sous une régularité apparente, un désordre réel ; car il était inévitable que l’industrie privée se portât bientôt à briser les chaînes où on la retenait captive, ou à s’échapper par des issues secrètes, puisqu’on lui fermait ses véritables voies.

Cependant, tel qu’il est dans son ensemble, et malgré ses lacunes, le système actuel serait encore susceptible d’heureuses applications, si les dispositions secondaires étaient conçues dans un esprit plus libéral. Dégagées de toute entrave, ces trois espèces de sociétés, bien qu’insuffisantes, pourraient convenir à un grand nombre de situations et satisfaire à une foule de besoins ; mais le législateur les a entourées ou de restrictions expresses ou de formalités indirectement restrictives, qui gênent singulièrement leur développement. L’abus de la réglementation, qui est si visible dans l’ensemble du système, ne se manifeste pas moins dans les détails. Nous allons voir ce qu’à l’aide de ces restrictions les sociétés deviennent dans la pratique.

D’abord, la moindre société en nom collectif ou en commandite doit être établie et constatée avec un éclat, un appareil et des formalités sans fin. Les sociétés en nom collectif ou en commandite, dit l’art. 39 du code de commerce, doivent être constatées par des actes publics ou sous signature privée, en se conformant dans ce dernier cas à l’art. 1325 du code civil, c’est-à-dire en faisant autant d’originaux qu’il y a de parties contractantes, et en insérant dans chaque original, sous peine de nullité, la mention du nombre des originaux qui ont été faits. C’est déjà trop, selon nous, pour un acte de ce genre, qui devrait être la chose du monde la plus expéditive, et, à coup sûr, le commerce, avec ses allures vives et ses rapides évolutions, s’accommoderait beaucoup mieux de conventions sociales qui pourraient se nouer ou se dénouer à volonté par de simples lettres, et dont l’existence serait constatée au besoin par la correspondance et par les livres. Mais ce n’est pas tout, et le code de commerce ne se contente pas de si peu.

Pour qu’une société soit légalement établie, il faut encore (art. 42) que

    d’état, faisait remarquer que le conseil d’état ne donnait pas toujours aux sociétés anonymes qu’il autorisait la même constitution. On y trouve, en effet, des différences sensibles, qui ne sont pas toujours, il faut le dire, autorisées par la loi, tant il est vrai que la loi est trop rigoureuse, trop absolue, et que les formes de l’association sont susceptibles d’un nombre inappréciable de modifications utiles qu’elle n’a point prévues.