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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/430

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REVUE DES DEUX MONDES.

Quant aux sociétés ordinaires, elles sont commerciales dans l’acception étroite du mot, c’est-à-dire qu’elles ne jouissent d’aucun privilége, et sont en tout régies par la loi commune. Voilà ce qui les distingue des autres. On les appelle ordinaires par opposition aux sociétés incorporées, qui ont en effet un caractère extraordinaire, exceptionnel ; mais cette dénomination n’a rien de spécial ni de restrictif, comme celles que notre code emploie. Elle ne s’applique pas à une forme particulière et déterminée de l’association ; elle comprend toutes les associations, de quelque forme et de quelque nature qu’elles soient, qui se contractent entre particuliers sous l’empire du droit commun. Laissons à part les sociétés incorporées, dont nous aurions trop à dire. Par leur forme aussi bien que par l’irresponsabilité de leurs membres, elles ressemblent à nos sociétés anonymes ; mais par le principe dont elles dérivent, par les priviléges dont elles jouissent, par l’autorité particulière dont elles sont généralement revêtues, et plus encore par la nature des institutions auxquelles elles se rattachent, elles se rangent évidemment dans une sphère plus haute. C’est à ce titre d’institutions publiques, et non comme sociétés commerciales, qu’elles relèvent du souverain dont elles émanent. Au reste, sans tenir compte de ces établissemens d’une nature exceptionnelle, nous allons voir que les sociétés ordinaires constituent à elles seules un système complet.

Rien de plus simple que la loi qui les concerne. Bien différente de la nôtre, qui classe les diverses espèces de sociétés, qui les définit, qui les distingue, en établissant pour chacune d’elles un régime particulier et des formalités sans nombre, la loi anglaise ne distingue pas, et n’a pour l’association en général qu’un régime uniforme, dégagé d’ailleurs de toute complication. Telle est même la simplicité de cette loi, qu’elle échappe pour ainsi dire à l’analyse ; aussi ne peut-on guère la développer et la commenter que par opposition à une autre plus complexe.

À proprement parler, il n’y a point en Angleterre de loi sur les sociétés commerciales. L’association y est considérée comme un contrat libre de sa nature, et dont il n’appartient pas au législateur de déterminer les formes et les conditions. Régime étrange par rapport à nous, qui sommes habitués à ne marcher dans les voies de l’association que sur les pas du législateur, toujours dirigés ou contenus par des dispositions expresses. Et pourtant nous en voyons une image, image un peu affaiblie, mais assez fidèle, dans le régime de nos sociétés en participation, qui jouissent aussi d’une liberté entière, sans qu’il en résulte, à notre connaissance, aucun désordre appréciable.

En Angleterre, une société est formée et constituée aussitôt que les parties contractantes sont d’accord. Leur consentement mutuel, de quelque manière qu’il soit exprimé, suffit. Dès l’instant que deux ou plusieurs hommes se sont entendus ou de vive voix ou par écrit, que les conditions de l’association sont réglées entre eux, les parts convenues et la marche arrêtée, tout est dit, et la société chemine. Libre aux contractans de constater l’association par un acte régulier, afin d’éviter toute surprise ou toute contestation à l’avenir, mais ce n’est pas une obligation que la loi leur impose. Aucune nécessité d’ailleurs