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DE L’ÉLOQUENCE ACADÉMIQUE.

inépuisable en saillies imprévues, en traits hardis et saisissans, en mots pittoresques et nouveaux[1]. Il ne nous reste rien non plus des discours de Pythéas ; on sait qu’entre lui et Démosthènes il y avait une continuelle guerre de sanglantes épigrammes.

Ne soyons pas surpris si le peuple le plus parleur ne put se contenter d’un seul genre d’éloquence. Outre leurs orateurs et leurs démagogues, les Athéniens eurent leurs rhétheurs et leurs sophistes. À côté de Périclès nous voyons Gorgias. Isocrate, qui enseigna la rhétorique à Démosthènes, se servit de la parole non pas pour attaquer le roi de Macédoine, mais pour célébrer la plus belle des femmes et la plus aimable des cités, Hélène et Athènes. C’est ainsi que s’établit et brilla l’éloquence académique, dont l’unique souci fut de plaire à l’imagination, d’enchanter l’oreille, et de satisfaire complaisamment à tous les caprices de l’esprit. Dans le dernier siècle, cette éloquence a eu son historien, et l’Essai sur les Éloges, par Thomas, nous déroule la suite un peu monotone de tous les panégyriques, depuis le Menexène de Platon jusqu’au discours où Voltaire pleura Vauvenargues avec une si attendrissante simplicité.

Nous voilà de retour dans les temps modernes, où la religion et la science inspirèrent chacune un nouveau genre de panégyriques. Le christianisme loua des vertus nouvelles qui étaient en partie son ouvrage ; mais, en célébrant la gloire humaine sur la tombe des morts, il s’attacha toujours à en proclamer le néant. C’est son génie de ne paraître glorifier l’homme un instant que pour le mieux rabaisser et le faire plus petit devant la croix. Qui n’a présent à la pensée comment Bossuet est admirablement entré dans cette vue ? Avec lui, la louange même la plus vive est empreinte d’une sombre et majestueuse ironie. Le panégyrique chrétien a encore le mérite de présenter à l’homme l’image d’une autre vie et l’espérance de l’immortalité. Par la bouche de ses prêtres illustres, la religion catholique a su mépriser les choses humaines en termes magnifiques, et c’est à bon droit que, dans son brillant Essai sur l’oraison funèbre, M. Villemain a surtout signalé cette source d’éloquence que les anciens ne connaissaient pas.

Bossuet, en 1687, mettoit fin à tous ces discours sur la tombe du grand Condé ; quatorze ans après, en 1699, Fontenelle commençait d’écrire ses Éloges. Après la religion, la science élevait la voix. Pendant le XVIIe siècle, le génie de quelques hommes avait imprimé une

  1. Athénée, Banquet des Savans, livre II.