Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/503

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
497
DE L’ÉLOQUENCE ACADÉMIQUE.

rien moins qu’enfermer une description complète du corps humain. Ce procédé, qui doit être fort pénible pour celui qui l’emploie, ne l’est pas moins pour le lecteur.

Puisque nous parlons ici de la structure des périodes, M. Mignet nous permettra d’invoquer l’autorité de Cicéron. Ce maître, dans un de ses plus parfaits traités sur le style oratoire[1], enseigne que la période complète se compose de quatre parties, et, pour ainsi parler, de quatre membres, de manière à remplir l’oreille sans être ni trop courte ni trop longue. Trop de longueur fatigue, ajoute-t-il, et voilà pourquoi il recommande la mesure. En effet, la proportion des formes satisfait seule l’esprit ainsi que les sens, et pour citer encore un ancien, dussions-nous être accusé de pédantisme, nous dirons avec Sénèque[2] que l’excès de la grandeur détruit la vertu de toute chose : non est bonum quod magnitudine laborat suâ. Tout le monde connaît la fameuse phrase que prononça Buffon en recevant M. de La Condamine à l’Académie française : avoir parcouru l’un et l’autre hérnisphère, etc. Cette période, dont on a toujours admiré l’industrieuse ampleur, ne se compose que de quatre membres et n’a que dix lignes. M. Mignet nous pardonnera ces observations minutieuses. Son style a trop de qualités pour que nous n’ayons pas voulu appeler son attention sur quelques imperfections légères qu’il lui sera bien facile de faire disparaître à l’avenir.

Le genre académique a des défauts qui ne peuvent guère être évités que par des écrivains supérieurs. Quand Labruyère, Montesquieu, Voltaire et Buffon sont venus prendre possession du fauteuil, ils ont lu à l’Académie quelques pages qui n’étaient pas indignes de leurs autres écrits. Plusieurs discours de réception prononcés de nos jours mériteraient aussi d’êtres cités, mais nous aurions l’air de flatter les contemporains que nous nommerions, et nous pourrions être taxés d’injustice par ceux dont nous ne parlerions pas. Il y a des personnes qui prennent le silence pour une épigramme ou pour une hostilité.

Enfin, après les éloges et les discours de réception, il nous reste à mentionner, dans le genre académique, les compositions écrites pour mériter des prix ; mais nous arrêterons-nous sur ces résultats annuels des concours ouverts par l’Académie française ? Voltaire a dit dans sa correspondance : « Les discours académiques sont précisément

  1. Orator ad M. Brutum, c. 66.
  2. De Vitâ Beatâ.