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LE DRAME SATYRIQUE DES GRECS.

et se faisant apporter, pour se laver les pieds après son long voyage, la fameuse cuvette d’airain tant cherchée dans la suite par l’amateur de curiosités qu’a fait parler Horace, par le prodigue Damasippe.

…… Olim nam quærere amabam
Quo vafer ille pedes lavisset Sisyphus ære
.

Ici la même troupe, dans ses ébats, s’apprête à mettre en broche les cochons de Circé, et menace de faire ainsi un mauvais parti aux amis du roi d’Ithaque. — Combien il est à regretter qu’aucune de ces pièces et de celles que j’omets ne soit parvenue jusqu’à nous ! On aimerait à connaître la plaisanterie, la bouffonnerie de ce terrible et sublime génie, de ce Shakspeare antique, également favorisé de l’une et de l’autre muse.

Les titres, les fragmens, qui seuls représentent aujourd’hui les drames satyriques de Sophocle, nous montrent le successeur, l’émule d’Eschyle traitant ainsi que lui familièrement, tournant en plaisanterie l’histoire des dieux et des héros, le sujet de plus d’une tragédie. Dans le Jugement paraissaient les trois déesses qui disputaient devant le berger Pâris le prix de la beauté ; dans Iris, Pandore, Inachus, Comus et Cédalion, étaient mises en scène des divinités d’ordre secondaire, aux dépens desquelles le drame satyrique était plus libre encore de s’égayer. En d’autres pièces, on voyait Persée délivrant Andromède, Hercule au Ténare ramenant du sombre empire son gardien Cerbère, Pollux triomphant du féroce Amycus, l’aveugle Phinée délivré des harpies par les Argonautes, Salmonée, parodiste insolent des foudres de Jupiter, puni de son impiété. La légende de la guerre de Thèbes avait fourni à ce théâtre tragi-comique de Sophocle un Amphiaraüs ; les souvenirs de la guerre de Troie, deux pièces dont on sait des choses qui éclairent heureusement l’histoire si incomplète du drame satyrique, et qui font particulièrement connaître les excès auxquels s’emportait parfois un genre beaucoup moins contenu dans sa licence qu’on ne l’a pensé. Au reste, quand on se rappelle quelle passion Eschyle a osé célébrer dans ses Myrmidons, Sophocle dans sa Niobé, dans ses Femmes de Colchide, Euripide dans son Chrysippe, peut-on s’étonner de rencontrer parmi les monumens de la tragédie en belle humeur un drame impudemment intitulé les Amans d’Achille ? Quant à l’autre pièce, l’Assemblée des Grecs, elle ne différait pas beaucoup de la tragédie par les invectives que s’y permettaient les uns contre les autres Achille, Diomède, Ulysse, tous ivres sans doute ; mais elle s’en séparait tout-à-fait par