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LE DRAME SATYRIQUE DES GRECS.

ses courses aventureuses avaient conduit en Égypte, et se préparant à faire du héros une nouvelle victime, il fut lui-même sacrifié sur son sanglant autel par le fils d’Alcmène. Quel était le sujet du Busiris d’Euripide ? Peut-être le meurtre du malencontreux devin, peut-être celui du tyran lui-même, peut-être l’un et l’autre, librement rapprochés.

Un drame satyrique d’Euripide, sur lequel nous possédons plus de renseignemens que sur aucun autre, et dont les fragmens sont aussi des plus propres à nous initier au véritable caractère du genre, le Sylée, présente ce même Hercule dans une situation à peu près semblable, dépendant en apparence d’une puissance tyrannique dont il se rit et qu’il brise. Les mythologues racontent qu’un oracle ayant prescrit à Hercule d’expier le meurtre d’Iphitus par un esclavage volontaire de quelques années, Mercure le vendit à Omphale, et que, tandis qu’il servait cette reine de Lydie, il délivra le pays de brigands qui l’infestaient et de tyrans dont il était opprimé, comme ce Sylée, fils de Neptune, qui forçait les voyageurs de travailler à ses vignes. Dans le drame satyrique, c’était à Sylée qu’Hercule était vendu. Le portrait que lui en faisait Mercure, ce qu’il en voyait lui-même, ne le prévenait pas d’abord beaucoup en faveur de cette acquisition. Il disait au prétendu esclave, en vers qui nous montrent que le point de départ du drame satyrique était, si bas qu’il dût descendre, le ton même de la tragédie :

« Nul ne se soucie d’acheter, de placer dans sa maison plus fort que soi, de se donner un maître. Rien qu’à te voir, on tremble ; ton œil est plein de feu, comme celui du taureau attendant l’attaque du lion. Dans ton silence même se trahit ton caractère. On peut juger que tu serais un serviteur peu docile, plus disposé à commander qu’à obéir. »

Ces appréhensions de Sylée ne tardent pas à se vérifier, il est bientôt fort embarrassé de son nouveau serviteur. Hercule, envoyé aux vignes, au lieu de les façonner, les déracine, les arrache, en forme un immense fagot qu’il rapporte sur ses épaules ; avec le feu qu’il allume, il fait cuire d’immenses pains, rôtir un superbe taureau immolé à Jupiter, mais dont il prendra lui-même sa part, une large part ; il force le cellier, il défonce les tonneaux ; en quelques momens, tout est prêt pour son repas, qu’il prend sur les portes de l’habitation, dont il s’est fait une table, mangeant de grand appétit, buvant à longs traits et sans eau, chantant à pleine voix et se faisant servir d’autorité, par le maître de la ferme interdit, des fruits de la saison et des gâ-