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LE DRAME SATYRIQUE DES GRECS.

tirées, aussi bien que les tragédies, du fonds commun des récits épiques ; comment enfin il était toujours loisible, quel qu’en fût le sujet, d’y introduire le personnage obligé des satyres.

Un prologue tout-à-fait semblable, sauf quelques traits de gaieté, à ceux par lesquels s’ouvrent les tragédies d’Euripide, fait connaître quelle combinaison d’un livre de l’Odyssée avec une donnée également homérique de l’Hymne à Bacchus a produit cette pièce du Cyclope. Le IXe livre de l’Odyssée offrait au poète l’aventure à la fois terrible, pathétique et par intervalles discrètement facétieuse d’Ulysse et de Polyphème, c’est-à-dire la matière toute préparée d’un drame satyrique, moins les satyres eux-mêmes. L’Hymne à Bacchus lui a suggéré un moyen ingénieux et naturel de faire intervenir ces indispensables satyres dans une fable à laquelle ils semblaient complètement étrangers. Euripide a supposé qu’à la nouvelle de ce que raconte l’hymne, c’est-à-dire l’enlèvement de Bacchus par les pirates tyrrhéniens, les folâtres serviteurs du dieu s’étaient aussitôt mis en route, sous la conduite de leur père, le vieux Silène, pour retrouver leur maître ; mais que, jetés par une tempête sur les côtes de la Sicile, ils étaient tous devenus esclaves de Polyphème. C’est sans doute d’après ce chapitre nouveau de l’histoire des satyres qu’un peintre accoutumé à profiter des idées d’Euripide, Timanthe, représenta dans un de ses tableaux, auprès du monstrueux cyclope endormi, les satyres occupés à mesurer son pouce avec un thyrse.

Ces faits de l’avant-scène, comme nous disons, voilà ce qu’explique d’abord, au seuil de l’antre habité par le cyclope, et s’encourageant de son absence, Silène lui-même. Son langage devait satisfaire le poète qui a dit :

« Pour moi, ô Pisons, si j’écrivais des satyres, je ne me contenterais pas des mots propres, des gros mots, et, pour éviter la couleur tragique, je n’irais pas jusqu’à confondre par le langage Dave ou l’effrontée Pythias, qui fait cracher un talent à Simon, et Silène le père nourricier, le serviteur d’un dieu. »

Dans les premières paroles du Silène d’Euripide, des expressions vives et poétiques peignent la navigation des satyres, leur naufrage aux côtes de la Sicile, les mœurs des terribles habitans de cette île. En même temps, le sérieux d’une telle préface est égayé par quelques traits plaisans, comme lorsque le vieillard, qui ne passait point pour brave assurément, se vante d’avoir combattu à côté de Bacchus contre les géans, et même d’avoir fait tomber sous sa lance Encelade ; lors-