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ans. Il ne lui faut pour cela que la paix et un gouvernement ferme et régulier. Les ressources de la Péninsule sont immenses ; la nature n’y demande aux hommes que de ne pas trop la contrarier.

L’Espagne n’a rien à redouter de ses voisins. La France en particulier n’a qu’un vœu à faire à son égard : c’est de la voir tranquille et prospère. L’Espagne pauvre, agitée, n’est pour nous qu’une occasion de pertes, de dépenses, et un sujet d’inquiétudes. De graves questions vont sans doute s’offrir aux Espagnols ; il leur appartient de les résoudre. Le gouvernement français leur a assez prouvé qu’il n’entend point s’immiscer dans les affaires qui les concernent. Nous ne pouvons assez louer cette réserve. L’Espagne sait désormais à quoi s’en tenir sur le compte de ses voisins ; il y a eu là des enseignemens qu’elle n’oubliera pas de si tôt. Au fait, Espartero, par ses chicanes et ses prétentions, nous a rendu un service. Il n’y a pas d’ambassadeur de France à Madrid. Espartero n’a pas eu à en redouter la présence, les observations, l’influence. Il a pu suivre sans gêne tous ses penchans, se livrer à ses conseillers : il en a obtenu de brillans résultats ! Nous espérons que notre gouvernement laissera pendant quelque temps encore les choses comme elles sont. Que l’Espagne se réorganise comme elle l’entend ; lorsqu’ensuite elle nous témoignera le désir positif de rétablir les relations des deux pays sur l’ancien pied, le moment sera arrivé d’envoyer à Madrid un représentant de la France. En attendant, les intérêts français y sont, dans la juste mesure, défendus par notre chargé d’affaires, M. le duc de Glucksberg, qui, dans ces conjonctures difficiles, et en particulier dans deux circonstances graves, imprévues, et pour lesquelles il manquait nécessairement d’instructions, a montré une rectitude d’esprit et une résolution tout-à-fait supérieures à son âge.

O’Connell est toujours infatigable et redoutable. Il continue son œuvre avec une persévérance et une habileté qui confondent. Rien n’est plus curieux et plus propre à montrer la puissance du tribun que la manière dont il a châtié l’emportement des habitans d’Ahaseragh. Pour réprimer ainsi les écarts du peuple, il faut, en quelque sorte, l’avoir dans sa main et en disposer à son gré. Les hommes assez puissans pour exciter les masses ne sont pas très rares. Ce qui est rare, ce sont les hommes qui peuvent les contenir par leur autorité morale. Ce qui est plus rare encore, ce sont les hommes qui peuvent à leur gré les pousser et les retenir, et se faire à la fois la pensée et la volonté du peuple.

Tandis qu’O’Connell développe, organise et discipline ses forces, le parlement anglais se traîne assez péniblement sur les clauses du bill des armes. Après tout, la session ne se terminera pas d’une manière brillante pour le cabinet, on peut même dire qu’elle ne se terminera d’une manière satisfaisante pour personne. Les whigs n’ont pas obtenu le moindre succès, et on peut toujours les accuser d’avoir été la cause première de plusieurs des difficultés actuelles. Les tories ardens commencent à reprocher à sir Robert