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Et après cette profession d’impiété, Faux-Semblant ose déclarer qu’il s’est fait ordonner prêtre, et ajoute :

Suis le curé de tout le monde,
De l’apostole (du pape) en ai la bulle.

Puis, parlant évidemment au nom des ordres mendians, Faux-Semblant s’exprime comme plus tard il eût pu le faire au nom de l’ordre qui les remplaça au XVIe siècle. « Je confesse les empereurs et les rois, les reines et les grandes dames. Je m’enquiers de toutes leurs actions ; ceux que nous savons être contre nous, nous les haïssons fortement, et nous nous accordons pour les combattre. Celui que l’un de nous hait, les autres le haïssent : s’il a quelque succès, nous le diffamons traîtreusement ; nous coupons les échelons de l’échelle par laquelle il peut monter. Si l’un de nous a fait quelque bien, nous le tenons pour l’œuvre de tous.

Nous sommes, ce vous fais savoir,
Ceux qui ont tout sans rien avoir.

Peut-on mieux résumer la toute-puissance des ordres mendians ? Encore aujourd’hui, dans certaines parties de l’Italie, tandis que la plupart des ordres religieux les mieux dotés déclinent, les franciscains seuls sont florissans. Ils ont tout parce qu’ils n’ont rien.

Après cette longue dissertation satirique, dans laquelle l’auteur s’est complu à faire parler Faux-Semblant, il revient à l’action qu’on a un peu oubliée. Faux-Semblant, qu’Amour a fait son roi des ribauds, se concerte avec sa fidèle compagne, Abstinence-Contrainte, pour exécuter ce qui convient fort à leur caractère, une feinte, un coup de main perfide aux dépens de Mauvaise-Langue qui, à la tête de ses soudards normands ou flamands, garde la tour où Bel-Accueil est emprisonné.

Ils ont par accord devisé
Qu’ils s’en iront en tapinage (tapinois),
Ainsi qu’en un pèlerinage
En bonne gent piteuse et sainte.

Abstinence-Contrainte s’atourne comme une béguine,

Son psautier mie n’oublia.

Faux-Semblant, de son côté, prend des habits de moine.

À son col portait une Bible.