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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/651

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POLITIQUE COMMERCIALE DE L’ANGLETERRE.

je n’hésite pas à déclarer fermement mon opinion, même en face de la France, et tandis que l’affaire est encore pendante : je crois que, quoique avantageux à la France, ce traité le sera bien plus à l’Angleterre (that though advantageous to her, it would be more so to us). Cette assertion n’est pas difficile à justifier. La France gagne, pour ses vins et d’autres produits, un grand et opulent marché ; nous faisons un bénéfice analogue sur une échelle bien plus vaste. La France acquiert un marché de huit millions d’ames, nous un marché de vingt-quatre millions ; la France, pour des produits à la préparation desquels concourent un petit nombre de mains, qui encouragent peu la navigation et ne rapportent pas grand’chose aux revenus de l’état ; nous, pour nos manufactures, qui occupent plusieurs centaines de milliers d’hommes, qui, en tirant de toutes les parties du monde les matières premières qu’elles emploient, agrandissent notre puissance maritime, et qui, dans toutes leurs combinaisons, à chaque degré de leurs transformations successives, portent à l’état des contributions considérables. La France ne gagnera pas au traité un accroissement de revenu de 100,000 livres sterling ; l’Angleterre y gagnera infailliblement dix fois plus, il est aisé de le prouver. L’élévation du prix du travail en Angleterre provient de l’excise, et on dit que les trois cinquièmes du prix du travail entrent dans l’échiquier. Les productions de la France, au contraire, sont à un degré inférieur de l’échelle du travail et rapportent moins par conséquent à l’état. Quoique réduits, les droits fixés par le traité demeurent relativement si élevés, que la France ne pourra pas nous envoyer pour 500,000 liv. sterl. d’eau-de-vie, et nous gagnerons 100 pour 100 sur cet article. Ainsi, bien que le traité puisse être profitable à la France, nos bénéfices seront en comparaison si supérieurs, que nous ne devons pas avoir de scrupules de lui accorder quelques avantages… Il est dans la nature essentielle d’un arrangement conclu entre un pays manufacturier et un pays doté de productions spéciales, que l’avantage soit en définitive en faveur du premier. »

Le traité était inattaquable au point de vue commercial. Les adversaires de M. Pitt, pour justifier leur opposition, furent obligés de faire de violens appels aux ressentimens de l’Angleterre contre la France ; cette partie toute politique de la discussion répand d’instructives lumières sur la mobilité des sympathies au sein des partis anglais. Il est piquant de voir comment Fox et Sheridan s’exprimaient alors à l’égard de la France. Le comte Grey, bien loin certainement de prévoir qu’il devait être appelé à contracter un jour