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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/662

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REVUE DES DEUX MONDES.

peu dignes de leur attention, et, soit indifférence, soit impéritie, se sont abstenus de combattre notre système, c’eût été de notre part une faute de le modifier ; mais aujourd’hui l’état du monde est-il le même ? Pour se donner une grande marine de commerce, et neutraliser nos lois de navigation, Les États-Unis n’en ont-ils pas adopté les prescriptions les plus rigoureuses ? N’ont-ils pas poussé, contre notre marine, le système des droits différentiels plus loin que nous ne l’avons jamais porté ? Fermerons-nous les yeux sur les autres nations qui suivent leurs traces ? Ne les voyons-nous pas toutes, l’une après l’autre, arracher chaque jour un feuillet à notre code maritime ? Ne nous sommes-nous pas assez vantés de nos lois de navigation pour les convaincre (à tort sans doute) qu’elles sont la condition presque unique ou du moins indispensable de la prospérité commerciale ou de la puissance maritime ?… Voyez donc si le système des droits différentiels, maintenant que le brevet en vertu duquel nous l’avons exploité est expiré, n’est pas plutôt un expédient à l’usage des pays peu avancés, que la ressource d’une nation qui possède déjà la marine commerciale la plus considérable du monde. Peut-être alors comprendrez-vous qu’il est d’une bonne politique de détourner de ce système les nations sur lesquelles nous avons l’avantage, au lieu de leur imposer la nécessité ou même de leur laisser le moindre prétexte de s’y engager. »

M. Huskisson exposait d’une manière plus saisissante encore les pertes que l’industrie anglaise devait nécessairement éprouver à une guerre de tarifs. « Les droits sont une taxe sur le commerce et la navigation ; cette taxe, disait-il, doit peser plus lourdement sur le pays dont le commerce et la marine sont plus considérables. En supposant que des deux côtés les droits imposés arrivassent au même niveau, ce qui serait l’effet inévitable des représailles, n’est-il pas évident que les marines des deux pays se trouveraient l’une à l’égard de l’autre dans la même situation relative que si les droits n’existaient pas ? Les droits ne seraient donc en réalité, dans les deux pays, qu’un surcroît de taxe sur leurs produits échangés ; mais ces produits étant de nature différente, les industries respectives des deux contrées en seraient différemment affectées. Les principales exportations de l’Angleterre se composant de produits manufacturés et coloniaux, et ses importations de matières premières, il arriverait qu’elle vendrait ses exportations et qu’elle paierait ses importations plus cher de tout le montant de la taxe. Mais, à l’étranger, que résulterait-il de cet état de choses ? Il agirait évidemment comme