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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/674

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REVUE DES DEUX MONDES.

sirer l’accroissement de notre commerce avec la France ; mais, après ce que nous avons vu durant les trois dernières années, une chose est certaine à mes yeux, c’est que, si nous réussissons à conclure un traité de commerce avec la France, une grande partie de la nation française croira que nous lui aurons extorqué un marché désavantageux pour ses intérêts, et que son ministère se sera laissé entraîner à un compromis injurieux à son pays par une servilité blâmable envers l’Angleterre : telle n’est pas, assurément, l’impression que nous devons avoir en vue de produire. Au contraire, si nous admettons à des droits assez bas pour neutraliser les efforts de la contrebande quelques-uns des principaux produits de la France, nous nous concilierons infailliblement le bon vouloir de ce pays, et nous servirons mieux par là nos intérêts que par un traité de commerce, à quelque condition que nous puissions espérer de l’obtenir[1]. »

Sir Robert Peel, obligé par les nécessités de sa position politique à retarder des progrès auxquels sa haute raison ne saurait être hostile, n’opposait qu’un système de temporisation aux réclamations du parti industriel. Sur les principes, il n’a pas une opinion différente de celle de ses adversaires. « Il y a des principes, disait-il, que je serai le dernier à déserter ; je l’ai assez prouvé dans la discussion du tarif. J’ai déclaré alors que, dans les arrangemens commerciaux, nos intérêts domestiques doivent passer en première ligne, et qu’il serait absurde de nous punir nous-mêmes parce que d’autres pays refuseraient d’adopter des combinaisons analogues aux nôtres relativement aux droits d’importation. Ces principes, je les professais l’année dernière, je les professe encore. » Mais sir Robert Peel déclarait que, s’il en ajournait l’entière application, c’était parce qu’il conservait l’espoir de conclure des traités de commerce. « La réduction de nos droits, disait-il, est chose excellente sans contredit ; mais si, en l’opérant, nous pouvons parvenir en même temps à faire diminuer par d’autres nations les droits qu’elles lèvent sur nos produits, ne vaut-il pas mieux poursuivre un double résultat qu’un seul but ? » Amené à parler des négociations avec la France, « au point où elles sont arrivées, s’écriait-il, dire à la France : Nous allons opérer des réductions sur les droits que vos produits paient chez nous, et nous vous avertissons que nous n’attendons pas de retour de votre part, ce serait, suivant moi, dans la situation actuelle du pays, un acte de prodigalité que cette chambre ne pourrait sanctionner[2]. »

  1. Séance de la chambre des communes du 25 avril dernier.
  2. Discours de sir Robert Peel, séance du 25 avril. — Il y a quelques jours, dans