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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/688

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blait une théorie absurde et un fait impossible. Périclès lui-même, dont nous avons cité quelques paroles, ne semble louer la démocratie que sous bénéfice d’interprétation ; car, d’un état où toutes les classes fonctionnent à un état où le dême est prépondérant, il y a loin encore. Ce que Périclès appelle démocratie, c’est tout simplement un régime où nul obstacle de naissance n’écarte des affaires publiques l’homme capable de s’en occuper avec fruit, et où le mérite et le travail sont au contraire invités à exercer leur influence naturelle. Que faisait donc Périclès ? Il se servait de la puissance actuelle du mot, sauf à l’expliquer ensuite. Ainsi la philosophie politique était arrivée en résultat à condamner radicalement la démocratie, et c’est cette pensée qu’Aristophane détaille, qu’il multiplie, qu’il anime, qu’il fait marcher, danser, chanter, rire et maugréer dans ses comédies politiques.

À la critique politique se lie étroitement, chez Aristophane, la critique religieuse. La religion en effet n’était qu’une esclave de la politique. La démocratie s’en servait à Athènes, comme l’aristocratie ailleurs. Les démagogues, pour étourdir en l’émerveillant la stupidité béante des masses, faisaient parler les oracles et les prophéties ; le poète nous dévoile avec prédilection ces misérables ruses ; il attache au même poteau la démocratie et la superstition, et les crible des mêmes sarcasmes. Sans doute les oracles avaient exercé une puissance utile, alors que le sacerdoce, originaire d’Égypte et transplanté parmi des races indomptables, n’avait d’autre moyen, pour imposer à la force et proclamer la justice, que les voix terribles et mystérieuses du sanctuaire ; mais, pour l’éducation des peuples comme pour celle des enfans, ces frayeurs vagues de l’imagination n’agissent que jusqu’à un certain âge. Il aurait fallu constituer une autre autorité que celle du prestige. D’ailleurs, en renfermant sa doctrine dans le secret des mystères, le sacerdoce l’avait dérobée à toute controverse, et par là même à tout développement, car d’un côté les prêtres, que la contradiction ne réveillait pas, s’endormaient avec le peuple dans une foi morte, et finissaient par ne plus savoir de la religion que ses formes extérieures ; de l’autre, l’artiste, le poète, le philosophe, se détachaient de ces formes ou les interprétaient à leur gré. Plus tard, le christianisme s’y prit bien autrement une fois constitué, il convia la philosophie, il se mesura contre la critique, il déclara l’hérésie nécessaire, et manifesta surtout sa vitalité par la lutte. Mais, au temps de la guerre du Péloponèse, le sacerdoce grec, déjà enchaîné dans sa tradition et dans ses mythes, ne