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de l’atmosphère, pour intercepter les communications entre les hommes et les dieux, et prendre ceux-ci par la famine. Les dieux gouvernent si mal ce bas-monde, que ce sera un grand progrès de les avoir renversés.

La proposition est agréée ; on éveille le rossignol pour convoquer l’assemblée générale des oiseaux. Ici s’ouvre l’une de ces scènes étranges, où une veine abondante de bouffonnerie et de grace se répand en folies harmonieuses, avec un lyrisme grotesque et un mélange indéfinissable d’esprit et d’imagination, d’entraînement et de malice. À la voix du rossignol et de la huppe, les oiseaux se rassemblent peu à peu ; leur nombre augmente ; à la fin, c’est une multitude bruyante de merles, de pies, de coucous, d’alouettes, d’alcyons et de personnages ailés de toute espèce et de toute famille. Ce devait être un singulier spectacle que cette foule d’acteurs habillés de plumes et armés de becs, qui dansaient et chantaient en ouvrant leurs ailes : l’ancienne comédie admettait ces extravagances, et non-seulement les oiseaux, mais les guêpes et les grenouilles, comme on sait, ont leur rôle dans Aristophane. Les oiseaux s’assemblent donc ; mais, voyant des hommes parmi eux, ils s’imaginent qu’ils sont trahis ; ce sont des ennemis, ce sont des espions : de là une émeute, un hourra, un cri de mort. Ce n’est pas sans peine que la huppe fait entendre à son peuple qu’il faut écouter ces étrangers, qu’ils apportent d’excellens avis, très profitables à la nation, et tout pleins d’avenir et de gloire. On écoute enfin, et Pisthétère aborde franchement la question religieuse, qu’il reprend à l’origine des choses, invoquant les anciennes cosmogonies de l’Orient.

« Je gémis sur vous, dit-il aux oiseaux, sur vous, qui, dans les premiers temps, étiez rois. — Nous, rois ? répond l’assemblée. Rois de quoi ? — Rois de tout ce qui est, de moi, de mon camarade que vous voyez là, de Jupiter même, car vous êtes plus anciens que Saturne, et que les titans, et que la Terre. — Que la Terre ? — Oui, vraiment, que la Terre. — Nous ne l’avions jamais ouï dire. — Je le crois bien ; ignorans comme vous êtes et insoucians, vous n’avez seulement pas lu Ésope, qui dit que l’alouette fut avant toutes choses, avant la Terre même, etc. » Par ces raisons et par d’autres témoignages tirés de l’histoire, Pisthétère prouve très bien la légitimité des oiseaux ; en conséquence, il les exhorte à bâtir dans leur domaine aérien une ville en briques, grande comme Babylone. « Quand elle sera bâtie, vous sommerez Jupiter de restituer le pouvoir qu’il usurpe ; s’il refuse, vous lui déclarerez une guerre sacrée, et vous