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LES ÎLES FALKLAND.

et elle se retrancha obstinément sur le droit concédé dans la bulle d’Alexandre VI. La question de souveraineté sur les pays non encore occupés était d’ailleurs fort secondaire pour l’Espagne. Ce qui lui importait le plus, c’était de se réserver le monopole des richesses du Mexique et du Pérou, qui soutenaient sa puissance chancelante en Europe, et pour cela il lui suffisait d’interdire aux autres nations tout commerce avec ses colonies. Aussi, après bien des années de luttes inutiles et de négociations sans résultat, se soumit-elle, par les traités de 1667 et 1670, à reconnaître les possessions de l’Angleterre dans l’Amérique du Nord et dans les Antilles, mais à la condition expresse que ses propres colonies seraient fermées aux sujets anglais.

Dans l’intervalle qui s’écoula jusqu’à la guerre de la succession, un intérêt très puissant tint étroitement unies l’Angleterre et l’Espagne ; les stipulations des traités tombèrent presque en désuétude, et des relations commerciales s’établirent entre les colonies espagnoles et les marins anglais. Ceux-ci s’accoutumèrent à fréquenter impunément les marchés de l’Amérique du Sud et à y porter des produits manufacturés ; mais lorsque la dynastie française eut été assise d’une manière stable sur le trône d’Espagne par le traité d’Utrecht, le cabinet de Madrid, débarrassé de toute préoccupation pressante, et n’ayant plus besoin comme autrefois d’acheter par une complaisance ruineuse l’amitié de l’Angleterre, songea à remettre en vigueur les traités qui excluaient de ses colonies et des mers de l’Amérique du Sud les sujets des autres puissances. Les temps étaient changés, et l’Angleterre refusa d’accepter cette exorbitante domination. On sait combien l’esprit mercantile est tenace, entreprenant, et d’ailleurs ce n’est pas en un jour et à son gré que l’on brise les lucratives habitudes d’un demi-siècle. Les Anglais en appelèrent à la contrebande, et continuèrent illicitement le commerce qu’ils avaient si long-temps fait par tolérance. Telle fut la cause de la guerre qui, commencée en 1739, aboutit au traité d’Aix-la-Chapelle. Ce traité ne procura pas à l’Angleterre les avantages qu’elle s’était promis en prenant les armes. Malgré sa faiblesse, son épuisement, le désordre qui régnait dans ses finances et dans toutes les parties du gouvernement, malgré son impuissance à continuer plus long-temps la guerre, la cour de Madrid persista opiniâtrement à ne pas faire de concessions, et l’Angleterre, qui n’avait rien obtenu par les armes, dut chercher une solution plus favorable à ses intérêts dans un traité de commerce dont les négociations se suivaient à Londres.