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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/795

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LES ÎLES FALKLAND.

dans les mains des Anglais, cette source précieuse s’était tarie. Le projet de M. de Bougainville pouvait encourager nos marins à fréquenter de nouveau ces parages : il fut adopté avec empressement par le cabinet de Versailles, et goûté particulièrement par le duc de Choiseul, qui aimait les grandes choses.

M. de Bougainville quitta Saint-Malo, à la fin du mois de septembre 1763, avec deux vaisseaux qui transportaient une partie des familles acadiennes. Après avoir touché à Sainte-Catherine sur la côte du Brésil et à l’embouchure du Rio de la Plata, pour embarquer des bestiaux, l’expédition aborda le 3 février de l’année suivante dans une baie spacieuse sur la côte nord-est de l’île orientale, à laquelle fut donné le nom de baie d’Acarron : c’est aujourd’hui Berkeley-Sound. Des peines sans nombre attendaient les émigrans sur cette terre. Peu de jours après le débarquement, les bestiaux s’échappèrent, et on n’en put rattraper qu’une partie à peine suffisante aux besoins de la colonie. Bientôt les produits de la chasse, sur lesquels on avait compté, manquèrent. L’absence complète d’arbres se fit douloureusement sentir ; la saison était mauvaise, et les malheureux Acadiens ne savaient comment se préserver des rigueurs et des intempéries d’un climat plus humide que froid. Heureusement, on découvrit des tourbières[1]. M. de Bougainville fit plusieurs voyages à la côte la plus voisine du continent, et en rapporta du bois pour construire des habitations. Un petit fort fut élevé à l’extrémité occidentale de la baie, qui fut nommé Port-Louis. Les phoques et les oiseaux de mer suppléèrent à des provisions plus délicates. Après avoir ainsi jeté les bases de l’établissement, M. de Bougainville partit pour la France au mois de juin. Il revint en 1765 avec quelques nouveaux habitans, et il quitta bientôt définitivement le Port-Louis, laissant la colonie, qui se composait de soixante-dix-neuf personnes, sous la direction de M. de Nerville.

Cette entreprise du gouvernement français éveilla la jalousie de l’Angleterre, et détermina le cabinet anglais à reprendre l’ancien projet de s’établir dans les îles Falkland. Le capitaine Byron allait faire un voyage d’exploration dans la mer Pacifique. Ses instructions lui enjoignirent de visiter ces îles et de choisir l’endroit le plus pro-

  1. La tourbe est très abondante dans toutes les îles Falkland et se trouve à une très petite profondeur. Il y en a de deux sortes : l’une est une terre de bruyère sèche, formée par la décomposition des radicules des empetrum et des vaccinium ; l’autre n’est que le produit de la décomposition des mousses et des fougères : celle-ci est fort grasse.