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sous l’habit du franciscain ? Ramener tous les ordres à un seul, ce devrait être la conséquence loyale du système dans lequel on vient d’entrer ; d’autant mieux qu’il n’est aucune forme de vie à laquelle ne puisse s’étendre l’institut de Loyola. La vérité est ici la même chose que l’unité.

J’avoue qu’au milieu des partis qui divisent la France, il me semblait que l’église avait autre chose à faire qu’à mêler aux blessures toutes vives ces fermens de disputes que le jésuitisme apporte toujours avec lui. Dans le chaos des opinions, il eût été beau de voir l’église de France, seule, tranquille, pacifique, conciliante, quand tout s’agitait autour d’elle. Comment n’a-t-elle pas été tentée d’essayer le rôle du Samaritain, en fermant les plaies de ce grand blessé au bord du chemin ? Elle aime mieux les ouvrir. J’imagine pourtant que ce spectacle de sérénité, de majesté, au milieu des clameurs des partis, eût frappé les esprits plus qu’aucun autre signe. C’eût été là du moins un miracle cent fois plus efficace que tous les miracles récens que chaque jour on nous oppose ; demeurer calme dans la tempête civile, voilà vraiment la marque du doigt de Dieu.

Au contraire, on prend à tâche de faire passer dans l’église le tempérament fiévreux de la politique quotidienne. L’agitation, l’irritation, les habitudes mesquines de l’esprit de parti, se communiquent à la cité sainte. Si l’on obéit à l’esprit de notre temps, ce n’est pas dans ce qu’il a de grand, mais dans ce qu’il a de petit. On repousse ce qui en fait véritablement la vie religieuse, je veux dire l’esprit de conciliation, d’unité profonde, d’impartialité, fondé sur le sentiment de plus en plus distinct d’une commune alliance. Ce que l’on emprunte à son époque, c’est ce qu’elle a de plus extérieur : esprit de querelles, polémiques, menaces de tribunaux, évangile de bruit et de tumulte. Un nouvel hymne sorti du cœur parlerait plus haut que tout cela.

Lorsqu’on se retire dans le sanctuaire, est-ce pour se rapprocher de Dieu ou du monde ? Dans les caveaux de nos cathédrales, des milliers d’ouvriers sont habilement rassemblés et embrigadés en secret, loin du jour : que font ces nouveaux chrétiens enfouis au sein des catacombes ? dans quel abîme d’ascétisme se plongent-ils ? quel secret leur enseigne-t-on dans la poussière des tombeaux ? Plongé dans le saint des saints, un jésuite tire une loterie et fait un cours de physique amusante.

Rien n’est facile comme de diviser et détruire. Ces mots par lesquels termine M. l’archevêque résument en effet toute la question.