Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/856

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
850
REVUE DES DEUX MONDES.

Soit que, du vieux Sénat l’ame tout occupée,
Il poignardât César en proclamant Pompée,
Soit que de l’antimoine il contât quelque tour.
Huet, d’un ton discret et plus fait à la cour,
Sans zèle et passion causait de toute chose,
Des enfans de Japhet, ou même d’une rose.
Déjà plein du sujet qu’il allait méditant,
Rapin[1] vantait le parc et célébrait l’étang.
Mais voici Despréaux, amenant sur ses traces
L’agrément sérieux, l’à-propos et les graces.


Ô toi, dont, un seul jour, j’osai nier la loi,
Veux-tu bien, Despréaux, que je parle de toi,
Que j’en parle avec goût, avec respect suprême,
Et comme t’ayant vu dans ce cadre qui t’aime ?


Fier de suivre à mon tour des hôtes dont le nom
N’a rien qui cède en gloire au nom de Lamoignon,
J’ai visité les lieux, et la tour, et l’allée
Où des fâcheux ta muse épiait la volée ;
Le berceau plus couvert qui recueillait tes pas ;
La fontaine surtout, chère au vallon d’en bas,
La fontaine en tes vers Polycrène épanchée,
Que le vieux villageois nomme aussi la Rachée[2],
Mais que plus volontiers, pour ennoblir son eau,
Chacun salue encor Fontaine de Boileau.
Par un des beaux matins des premiers jours d’automne,
Le long de ces coteaux qu’un bois léger couronne,

  1. Auteur du poème latin des Jardins : voir au livre III un morceau sur Bâville et deux odes latines du même.
  2. Une rachée : on appelle ainsi les rejetons nés de la racine après qu’on a coupé le tronc. Les ormes qui ombrageaient autrefois la fontaine avaient probablement été coupés pour repousser en rachée : de là le nom.