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LA FONTAINE DE BOILEAU.

Tous cadres sont rompus ; plus d’obstacle qui compte ;
L’esprit descend, dit-on ; la sottise remonte ;
Tel même qu’on admire en a sa goutte au front,
Tel autre en a sa douche, et l’autre nage au fond.
Comment tout démêler, tout dénoncer, tout suivre,
Aller droit à l’auteur sous le masque du livre,
Dire la clé secrète, et, sans rien diffamer,
Piquer pourtant le vice et bien haut le nommer ?
Voilà, cher Despréaux, voilà sur toute chose
Ce qu’en songeant à toi souvent je me propose,
Et j’en espère un peu mes doutes éclaircis
En m’asseyant moi-même aux bords où tu t’assis.
Sous ces noms de Cotins que ta malice fronde,
J’aime à te voir d’ici parlant de notre monde
À quelque Lamoignon qui garde encor ta loi :
Qu’auriez-vous dit de nous, Royer-Collard et toi ?


Mais aujourd’hui laissons tout sujet de satire ;
À Bâville aussi bien on t’en eût vu sourire,
Et tu tâchais plutôt d’en détourner le cours,
Avide d’ennoblir tes tranquilles discours,
De chercher, tu l’as dit, sous quelque frais ombrage,
Comme en un Tusculum, les entretiens du sage,
Un concert de vertu, d’éloquence et d’honneur,
Et quel vrai but conduit l’honnête homme au bonheur.


Ainsi donc, ce jour-là, venant de ta fontaine,
Nous suivions au retour les coteaux et la plaine,
Nous foulions lentement ces doux prés arrosés,
Nous perdions le sentier dans les endroits boisés,
Puis sa trace fuyait sous l’herbe épaisse et vive :
Est-ce bien ce côté ? n’est-ce pas l’autre rive ?
À trop presser son doute, on se trompe souvent ;