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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/867

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REVUE LITTÉRAIRE.

rieure de ce pouvoir si fortement concentré, sous lequel se débattaient en vain toutes les oligarchies européennes, depuis plus de quinze ans. Le tableau qu’il en donne frappe l’esprit de la même stupeur dont semblait atteint chacun des hommes en qui l’empereur avait placé sa confiance. Partout où il n’est pas, la volonté manque, l’irrésolution domine. Marie-Louise n’était pas faite, il le savait de reste, pour le suppléer ; mais elle ne trouvait aucun secours dans les conseillers dont il l’avait entourée. Tandis qu’enfermée dans son appartement, elle préparait de la charpie pour les blessés, le sénat s’agitait, et les membres du conseil privé ne voyaient de remède que dans la paix à tout prix.

Vint enfin le moment de prendre une grande résolution : celle de quitter Paris, dont les armées alliées se rapprochaient chaque jour. L’empereur avait écrit de prendre ce parti, si toute résistance était impossible. La majorité du conseil privé, se rendant aux raisons développées avec énergie par Boulay de la Meurthe, croyait la présence de l’impératrice indispensable pour soutenir le courage et la résistance des Parisiens. Ce fut alors à qui éloignerait de soi la responsabilité du parti à prendre. Le roi Joseph et l’archi-chancelier demandaient une décision à l’impératrice. L’impératrice ne voulait donner un ordre émané d’elle, et contraire à la volonté conditionnelle de l’empereur, sans avoir leur avis en forme et signé. Ils ne voulurent jamais accepter une responsabilité aussi grande.

On sait ce qui arriva : le départ pour Blois, la résistance prophétique du roi de Rome qui ne voulait pas quitter sa maison, les défections honteuses, les nobles dévouemens qui marquèrent cette époque remplie d’évènemens et de combinaisons où le hasard prit une si grande part. Le rôle de l’impératrice fut nul. Bien d’autres à sa place auraient tenté quelque démarche, obéi à quelque sentiment, tenu compte de quelques-uns de ces grands devoirs auxquels, dans le naufrage d’une destinée, il est beau de rattacher l’esquif battu des vagues. Marie-Louise ne comprit jamais son rôle. Jamais elle ne se plaça, pour se juger elle-même, à ces hauteurs où le cœur nous transporte sans peine quand il est noblement ému. Elle ne sut que pleurer, supplier son père, attendre de quelque horizon inconnu le souffle auquel il faudrait obéir. Elle n’eut qu’un moment d’énergie, et ce fut pour résister aux frères de l’empereur, qui voulaient, suivant la lettre de leurs instructions, l’emmener au-delà de la Loire. C’était retrouver bien mal à-propos un mouvement de courage. Encore le puisa-t-elle dans la crainte des hasards et des fatigues qu’elle allait courir en quittant Blois.

Trois heures après la scène dont nous parlons, et dont le scandale est historique, un commissaire russe venait, sans autre cérémonie, s’assurer de l’impératrice et du roi de Rome.

C’est le moment où Marie-Louise disparaît pour ainsi dire de la scène du monde. Le diadème impérial tombe de son front, on voit tout à coup s’effacer la pâle figure sur laquelle il jetait quelque éclat. Aussi peut-on accepter