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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/992

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REVUE DES DEUX MONDES.

Vers ce même temps aussi, quatre biographes avaient eu l’idée de recueillir les noms et quelques fragmens des ouvrages de ceux à qui une époque à jamais passée devait son illustration ; ils songèrent à rendre plus complets les travaux de ce genre entrepris avant eux. Quand le bruit se répandit dans l’Inde que des monumens littéraires allaient s’élever en honneur des écrivains morts et contemporains, ce fut à qui, parmi les auteurs secondaires et les rimeurs des provinces reculées, enverrait quelque échantillon de son savoir-faire, tant chacun était avide d’avoir une place dans ce parterre de roses, dans ce jardin de l’éloquence, comme on intitule généralement ces recueils en Orient. S’il existait de pareils ouvrages sur la vieille littérature hindoue, on éprouverait moins de difficulté à classer les anciens textes ; mais l’orgueil de la caste brahmanique était au-dessus de ces petites vanités.

Avec le XIXe siècle commença dans l’Inde une ère nouvelle ; la littérature musulmane ne périt pas à la chute des empereurs qui l’avaient long-temps favorisée ; elle trouva aide et protection auprès des gouverneurs anglais, qui écoutaient en même temps les doléances des représentans du brahmanisme. Après tout, une conquête européenne n’entraîne pas la barbarie après elle ; la politique prescrivait aux nouveaux maîtres de respecter les anciens usages ; pour les bien connaître, il fallait les étudier dans les textes nationaux. Tout en favorisant les colléges brahmaniques de Poonah et de Bénarès, tout en maintenant les anciens pèlerinages (qui d’ailleurs rapportent à la compagnie un assez beau revenu), tout en poussant la tolérance jusqu’à encourager les cérémonies de l’ancien culte, ceux qui succédaient de fait aux empereurs mogols durent prendre les choses où elles en étaient et accepter la langue qui était la plus répandue dans toutes leurs possessions. Ce ne fut plus, cette fois, autour du trône où siége l’ombre d’un monarque, mais dans les villes centrales de ce nouveau pouvoir, que les écrivains musulmans reparurent ; il y avait pour eux une place dans les écoles fondées par les Anglais pour l’enseignement, mieux dirigé, des indigènes. Calcutta surtout eut le privilége d’attirer, non pas précisément les poètes, car la prose dut l’emporter sur les vers dans l’empire reconstruit à neuf, mais les érudits, les hommes intelligens, habiles dans l’art d’écrire, dont le talent fut adapté à d’utiles travaux. Parmi les savans anglais qui s’occupaient, à travers toutes les provinces, du dialecte local ou de la langue primitive, il s’en trouva plus d’un qui s’attacha à la culture et à l’encouragement de l’idiome hindoustani. C’est ainsi qu’Afsos,