Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/994

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
988
REVUE DES DEUX MONDES.

Ils ne changèrent de religion ni l’un ni l’autre. Haçan traduisit en hindoustani l’Évangile de saint Matthieu et le Vicaire de Wakefield ; de son côté, Mme Haçan, de retour en Europe après la mort de son époux, publia l’intéressant ouvrage intitulé Observations on the Musulmans of India, auquel celui-ci avait indirectement coopéré.

Cette mention des Évangiles nous amène à parler des travaux sérieux dont s’occupèrent bientôt en Asie les Européens et les indigènes, dans le zèle qui les animait pour leur religion respective. La presse offrait aux chrétiens une ressource immense que leurs adversaires ne négligèrent pas à leur tour. Non-seulement nos livres saints, traduits en langue ourdou, étaient répandus à profusion dans toute l’Inde par les missionnaires anglicans et américains, mais encore l’étude du sanscrit, régénérée par les soins du gouvernement britannique, ranimée par les savans de l’Asiatic Society, portait ses fruits : les textes anciens, les traités philosophiques, les livres de lois, les épopées brahmaniques, paraissaient au grand jour, dans de beaux livres lisiblement imprimés, corrigés et revus avec une incroyable exactitude par les lettrés de la caste sainte. Les musulmans, craignant que leur doctrine ne subît quelque altération par le contact de ces philosophies et de ces dogmes étrangers, cherchèrent à la manifester aussi au milieu des fidèles ; deux éditions du Coran, traduit en hindoustani, dont l’une accompagnée du texte arabe interlinéaire, ne tardèrent pas à être publiées par les soins de quelques mahométans instruits et désintéressés. Plusieurs d’entre les vrais croyans avaient consenti à travailler eux-mêmes aux versions du nouveau et de l’ancien Testament, et ce fut peut-être ce relâchement visible qui porta le saïyid Ahmad à entreprendre dans l’Inde la sévère réforme pour laquelle il est appelé l’émir des fidèles. Depuis lors surtout, et par le moyen plus rapide encore de la lithographie, les sectateurs du prophète, enflammés d’une nouvelle ardeur, se donnèrent le plaisir de mettre au jour des traités religieux, des catéchismes, des dialogues, dans lesquels le chrétien et le mahométan sont aux prises ; les argumens en faveur de l’islamisme sont si victorieusement posés, ou plutôt si faiblement combattus, que le Nazaréen reste assez souvent la bouche close. C’est quelque chose de divertissant que de lire, avec un mounschi (professeur) un peu exalté, ces textes, où le triomphe des doctrines de Mahomet se trouve complaisamment préparé d’avance.

Cependant de toute chose on peut tirer un enseignement ; en voyant ces petits livres éclos de nos jours sous la plume des moul-