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pitaine Miller ! (long life to captain Miller ! God bless you, captain Miller !) » Que M. Delessert visite la place Maubert ou le quartier des Halles, il n’y recueillera pas un salut.

La police n’exerce pas à Liverpool le même empire qu’à Glasgow. Elle est cependant bien accueillie partout, et le chef de ce corps ne craint pas de s’aventurer, suivi d’un seul homme, dans les endroits les plus suspects. M. Whitty, qui a vu Paris et qui sait ce qu’il y a d’instruction dans l’étude comparée des grandes villes, voulut me faire connaître, sous leur aspect le plus intime, les basses régions de Liverpool.

Nous visitâmes d’abord les rues situées entre Park-Lane et Wapping, quartier voisin des docks, et principalement habité par les ouvriers irlandais. Il était neuf heures du soir ; les enfans jouaient par troupes sur la chaussée, aux dernières lueurs du crépuscule, et les femmes, sur la porte des maisons, aspiraient un air plus pur que celui de leurs étroits taudis. Nous parcourions Crosbie-Street, une de ces rues où la fièvre règne dans toutes les saisons de l’année. Je m’attendais à des apparences plus choquantes. Sans doute, l’état de la voie publique atteste, comme à White-Chapel et à Bethnal-Green, l’incurie de l’autorité municipale : les immondices de toute nature restent, la semaine entière, étalées en plein air, et les rues n’ont pas d’égouts[1], ce qui, dans une ville anglaise, a de bien autres conséquences que dans une ville française, où les conduits souterrains sont destinés uniquement à faciliter l’écoulement des eaux. Cependant on n’y rencontre pas, comme dans ces quartiers de Londres qui semblent abandonnés de Dieu et des hommes des familles entières pourrissant entre les quatres planches d’une étable, ou rongées par une misère qui défie toute description. Parmi les mauvais côtés

  1. « Depuis douze ans, la paroisse de Liverpool a consacré à la construction des égouts plus de 100,000 liv. st. ; mais ces égouts sont de grandes artères établies dans les principales rues : le bienfait de cette mesure n’a été étendu qu’à un petit nombre de rues secondaires (bye streets), habitées par les classes ouvrières. J’estime le nombre des rues habitées à 566, ayant une étendue de 101,290 yards ou d’environ 57 milles et demi, dont 235, ayant une étendue de 25 milles et demi, sont pourvues d’égouts dans toute leur longueur ou dans une partie de leur longueur. Malheureusement ces 25 milles et demi sont répartis d’une manière inégale entre les diverses classes de la population, car, tandis que sur 243 rues, ayant une étendue de 20 milles, habitées surtout par des ouvriers, 56 seulement sont pourvues d’égouts sur une étendue de 4 milles, la proportion des égouts, dans les 33 rues habitées par les autres classes, est de 21 milles et demi sur 37 et demi. » (Duncan On the physical causes of the mortality in Liverpool.)